C'est parfois plus fort que moi.
Je viens de finir à l'instant d'écrire ce petit conte, pour la circonstance. Vous êtes, ici, les premiers à en profiter.
Un terrible combat ! Orion était le fils de Poséidon. Il était aussi un géant et, sans nul doute, également le plus grand et le plus redoutable de tous les chasseurs.
Le roi de l'île de Chios, une très belle île connue pour son côté giboyeux autant que pour sa vie tranquille, coincée de nos jours entre la Grèce et la Turquie, entendit parler des talents immenses d’Orion, face auquel aucun gibier ne pouvaient lui résister, pas même les plus dangereux.
Il le fit demander par quelque messager à l'allure un peu spartiate afin de pouvoir lui parler.
Orion avait une telle réputation que le messager du roi n'eut aucune peine à la trouver.
Quant à Orion, la curiosité autant que l'amusement le piqua. Il décida de suivre ce messager pour rejoindre le roi de Chios.
- Vous m'avez fait mander pour me parler d'un sujet dont je crois comprendre qu'il est très sûrement d'une grande importance. Moi, Orion et fils de Poséidon, je veux vous entendre et, qui sait, peut-être vais-je pouvoir apporter mon aide.
- Orion, l'on me dit partout que tu es à n'en pas douter le plus grand, le plus valeureux et le plus redoutable de tous les chasseurs de ce monde.
- On le dit grand roi. On le dit. Mais comme je n'ai jamais eu à subir un seul échec lors de toutes mes chasses, je ne peux dire si je suis le meilleur ou si je ne le suis pas. Il me faudrait quelques bêtes parmi les plus redoutables et devant lesquelles d'autres grands chasseurs ont eu à plier.
- Orion, je peux peut-être t'aider à mieux comprendre ton talent avec le travail que je voudrais te donner, si tu l’acceptes.
- De quel travailles parles tu, grand roi ?
- Ici, sur Chios, se trouve nombre de bêtes aussi féroces que sauvages et qui, si elles ne se nourrissaient que de quelques brebis ou quelques chèvres de temps en temps ne seraient pas si dangereuses, mais elles s'en viennent aussi croquer les pâtres qui n'osent plus s'éloigner de leurs maisons et l'on m'a rapporté que les enfants mêmes ne sortent plus, les femmes non plus, non comptées celles qui sont veuves désormais.
- Et tu souhaites que je cherche ces bêtes féroces et que je les tue sans doute ?
- Bien mieux Orion. Je te demande de tuer toutes les bêtes féroces de l'île de Chios et qu'il n'en reste plus une seule.
- Ton souhait sera exaucé car cette aventure me plaît. Mes deux chiens, Sirius et Procyon, m'accompagneront dans cette chasse et avant peu, ton île en sera débarrassée. Tes pâtres ne seront plus mangés. Les enfants et les femmes de Chios pourront sortir et s'en aller aux champs, le cœur léger et chantant.
Et là-dessus, Orion s'en alla par les chemins, les montagnes et les forêts, précédé ou talonné par Sirius et Procyon, tous trois courants, pressés qu'ils étaient de chasser. On se demandait même parfois si Orion n'était pas plus rapide que Sirius, à moins que ce ne soit Procyon.
Il exécuta le travail que lui avait donné le roi, et avec une telle efficacité que le roi lui-même ne cessait de s'en étonner.
Peu de temps plus tard, on put enfin voir l'île de Chios libérée de tous ses fauves et les pâtres s'éloigner avec leurs troupeaux. Les flutes s'entendaient de loin, de très loin. Les femmes et les enfants riaient à gorges déployées. Les veuves les regardaient en se sentant un peu soulagées de savoir que le carnage n'irait pas plus loin, grâce au valeureux Orion.
Si Orion se sentait satisfait d'avoir accompli une tâche ardue, il n'en allait pas de même pour Artémis, cette superbe déesse de la chasse…
Car il vous faut le savoir, Artémis était la déesse de la chasse, mais elle était aussi la protectrice de toute la faune sauvage.
Cette partie de chasse ordonnée par le roi de Chios et effectuée par Orion lui laissait un goût quelque peu saumâtre dans la bouche.
Tandis que les habitants de l'île riaient, chantaient, dansaient, devant la fuite des dangers, Orion s'en retournait à Chios, auprès du roi.
Ce fut Artémis elle-même qui arrêta Orion aux abords de Chios et lui signifia qu'elle allait le punir pour cette chasse qui avait bannit toute la faune sauvage dont elle avait la charge.
Orion, en fin chasseur, s'il était patient, avait aussi le tempérament sanguin. Il n'entendait certainement pas se laisser punir par cette Artémis pour une chasse qui lui avait été commandée et qui épargnait les pâtres. Aussi se rua-t-il sur elle avec toute la force de son courage.
De la force, il n'en manquait certes pas, mais Artémis non plus et le combat entre ces deux-là fit rage. Les échanges de coups étaient d'une puissance si grande qu'on les entendit depuis l'Olympe.
Artémis, compris très rapidement qui si sa force était restée jusque là invaincue, il n'en serait pas de même face à Orion et elle commençait à s'épuiser.
Elle demanda de l'aide auprès de son frère, Apollon, qui fit jaillir du sol un scorpion géant.
Aussitôt sorti du sol, le scorpion engagea le combat avec Orion qui était aidé de Sirius et de Procyon. Le combat fut terrifiant et les deux chiens furent tués presque immédiatement.
La queue du scorpion fouettant de tous côtés faisait autant de vacarme qu'une tempête. Orion parvenait toujours à l'éviter, même si parfois elle lui rasait presque la peau.
Ce combat dura bien des heures et encore bien d’autres heures. La rage, la ruse, la force, la vitesse, les attaques, tout fût tenté et si rien ne fit trembler Orion, rien ne fit faiblir non plus le scorpion géant.
Au bout d'un très long moment de combat, aidé de son épée, Orion parvint à percer la cuirasse du scorpion mais, dans un dernier sursaut de colère, le dard du scorpion toucha aussi Orion.
Et le scorpion, et Orion furent tués. Artémis s'inclina devant la dépouille d'Orion, en admiration devant tant de courage, et fit prévenir Poséidon sur le mont Olympe, qui s'en vînt chercher le corps de son fils pour le métamorphoser en étoiles.
Si Artémis s'inclina devant le courage d'Orion, elle n'en demeurait pas moins folle de rage devant la mort de son scorpion géant, qui lui avait fait perdre son combat. Pour tenter une dernière fois de remporter la victoire, elle aussi métamorphosa son scorpion géant en étoiles.
Une guerre sans aucune merci était en train de poindre entre Artémis et Poséidon et l'idée même d'un combat déicide ne pouvait pas être acceptée par Zeus lui-même, qui vînt se mêler de cette dispute.
Zeus ne pouvait pas revenir sur la mort d'Orion, cher à Poséidon, pas plus que sur celle du scorpion géant si cher à Artémis. Aussi ordonna t'il que les étoiles d'Orion soient placées dans un coin du ciel, et que les étoiles du scorpion soient placées dans un autre coin du ciel, complètement à l'opposé, afin que ni l'un, ni l'autre, ne puisse jamais se rejoindre et que le combat ne reprenne plus jamais.
Et c'est grâce à la très grande sagesse de Zeus que l'on voit se lever au-dessus de l'horizon, à l'Orient, la constellation d'Orion, tandis qu'en même temps, au-dessus de l'horizon, à l'Occident, la constellation du Scorpion se couche.
À l'endroit où l'épée d'Orion perça la cuirasse du Scorpion, a été placée l'étoile Antarès. On la nomma ainsi pour conserver la mémoire de ce furieux combat guerrier, puisque qu’Arès est le dieu de la guerre.
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Quel que soit ton rêve, commence-le. L'audace a du génie, du pouvoir et de la magie. Prends pour outils l'amour comme épée et l'humour en bouclier. Si tu crois en toi, alors l'Univers tout entier se pliera à ton désir.
Jean Luc Weil