Ielizaveta Alekseïevna Tarakanova (1753 - 4 décembre/15 décembre 1775?), fut une prétendante au trône impérial russe. Elle n'emprunta véritablement ce titre qu'après avoir usé de bien d'autres identités, se faisant d'abord appeler Fräulein Frank, Lady Shelley, Madame Scholl, Madame de la Trémoille, Kniaguinia Vladimirskaïa (princesse de Vladimir) ou encore princesse d'Azov.
OriginesElle a affirmé (assez tard) être la fille d'Alexis Razoumovski et d'Élisabeth Ire, autrement dit la petite-fille de Pierre Le Grand, et avoir été élevée de ce fait à Saint-Pétersbourg ainsi qu'en Perse. Cependant, même son lieu de naissance reste aujourd'hui encore incertain et son vrai nom est inconnu. Elle est connue pour avoir effectué de nombreux voyages dans les villes d'Europe de l'Ouest durant la deuxième moitié du XVIIIe siècle.
C'est en 1772 qu'on voit la apparaître pour la première fois en prétendante. Elle se présente alors sous le nom et le titre d'Aly Emetey, princesse de Vlodomir. Elle dit être née de parents inconnus d'elle, avoir été élevée en Allemagne puis en Perse.
Une femme aux multiples identitésÀ Ispahan, un prince lui aurait révélé sa noble identité et l'aurait convaincue de revenir en Europe, à la conquête de son destin. Entourée de personnes intrigantes, elle mène grand train à Paris, Londres ou encore Berlin. Elle commence à affirmer que l'impératrice russe Élisabeth, morte depuis 1761, est sa mère. Étant ravissante, elle séduit et rallie à sa cause un certain nombre de personnages, tels le comte polonais Ogiński et le comte Rochefort Valcourt qui s'éprennent follement d'elle. Quittant la France après un scandale, elle se rend en Allemagne où elle fait la connaissance du prince de Limbourg Stirum, qui lui propose, en vain, le mariage.
La Tarakanova compte de plus en plus de partisans et défenseurs de sa cause au fil des années, ces derniers étant prêts à l'aider par haine de la tsarine régnante Catherine II. Elle se trouve par ailleurs dans un contexte politique favorable. En effet, depuis 1773, un paysan, Pougatchev, soulève les campagnes et suscite l'enthousiasme dans les villes en affirmant être Pierre III, le mari assassiné de Catherine II. Cet autre prétendant déstabilise considérablement le pouvoir de l'impératrice. Dans cette atmosphère d'enthousiasme qui entoure l'ascension de l'imposteur, une jeune femme qui se déclare être la fille d'Élisabeth n'a pas moins de chances d'être crue. À cette époque aussi, les Polonais exilés depuis le partage de leur patrie en 1772 complotent contre la Russie. Ils voient en cette jeune femme le moyen de destituer Catherine, qu'ils haïssent car elle dirige d'une main de fer une partie de leur pays. Ne pouvant assassiner l'impératrice sous peine d'être discrédités sur la scène internationale, ils préfèrent soutenir une prétendante au trône, en l'occurrence la Tarakanova. L'un d'eux, le prince Charles Radziwiłł, entre en relation avec elle.
La réaction impériale
La Tarakanova se trouve, au début de l'année 1774, à Venise. Elle est traitée dans les salons mondains comme une personne d'une extrême importance, une possible tsarine. Catherine ne peut supporter davantage pareil affront et décide de la ramener en Russie par n'importe quel moyen. Elle met donc au point une machination avec Alexis Orlov, commandant de la flotte russe en Méditerranée. Ce dernier fait courir le bruit qu'il est en disgrâce à Saint-Pétersbourg et la Tarakanova, toujours à la recherche de nouveaux appuis, lui envoie une missive où elle lui explique sa filiation avec la tsarine morte.
Arrestation et emprisonnementLa flotte russe se trouve à Livourne et la prétendue princesse à Pise ; Orlov propose donc de faire sa connaissance. Il lui jure par la suite qu'il l'aidera à accéder au pouvoir et la demande en mariage. La cérémonie doit se dérouler, quelque temps plus tard, sur le bateau d'Orlov, c'est-à-dire en territoire russe. Mais à peine montée sur le navire dans sa robe de mariée, la princesse est mise aux arrêts et emmenée par celui qui l'a trahie à Saint-Pétersbourg, où elle est interrogée. L'interrogatoire est mené par le grand chancelier Galitsine. La Tarakanova lui donne la même version des faits dans l'espoir qu'on la libérera. Cette obstination lui est hélas fatale car elle est emprisonnée au sein de la forteresse Pierre-et-Paul, à Saint-Pétersbourg. Peu à peu, sa santé décline. Galitsine lui-même s'en émeut et demande à l'impératrice d'adoucir le sort de sa prisonnière, en vain. Elle finit par succomber de la tuberculose le 4 décembre 1775.
Diverses hypothèses demeurentDifférents informateurs ont donné à Catherine II des renseignements sur la Tarakanova ; elle serait selon ces sources la fille d'un cabaretier pragois, d'un boulanger allemand ou encore une juive de Pologne. Aucune de ces thèses ne semble entièrement plausible. Comme il n'est pas exclu que des enfants cachés de l'impératrice Élisabeth et de Razoumovski aient existé, nul ne peut aujourd'hui affirmer que la Tarakanova ne fut pas celle qu'elle prétendait être. Si tel était en effet le cas, alors on peut considérer que Catherine II l'a volontairement assassinée en la faisant enfermer dans un cachot malsain, afin d'éliminer une héritière légitime du trône.