Auberge de Peyrebeille Au final, les tenanciers de l'établissement, les époux Martin et leur valet Jean Rochette ont été condamnés à mort et guillotinés. Mais en vérité, seule la mort d'un client, Jean-Antoine Enjolras, est clairement établie alors que son cadavre a été retrouvé dans la nature et que rien ne prouve qu'il ait été assassiné à l'auberge. Toute l’affaire est partie du fait que ce mort là était du pays, alors que toutes les autres supposées victimes étaient des voyageurs de passage, alors? Vengeance de voisins jaloux?
L'affaire débuta le 26 octobre 1831 avec la découverte d'un cadavre sur les bords de l’Allier, le crâne fracassé, le genou broyé, à quelques kilomètres de l'auberge. Il s'agit du maquignon Antoine (ou Jean-Antoine) Enjolras qui, ayant perdu en chemin sa génisse, aurait cessé les recherches de sa bête, fait halte à l'auberge le 12 octobre 1831 et dont le cadavre, selon le témoin Claude Pagès, aurait été transporté sur une charrette par Pierre Martin, Fétiche et un inconnu depuis l'auberge jusqu'à la rivière.
Le 18 juin 1833, le procès des « quatre monstres » s'ouvrit aux assises de l'Ardèche à Privas. Cent-neuf témoins furent appelés à la barre (témoins indirects, relayant essentiellement les rumeurs de l'époque : la femme aubergiste ferait manger aux clients pâtés et ragoûts accommodés avec les meilleurs morceaux prélevés sur les cadavres, certains paysans auraient vu des mains humaines mijoter dans la marmite de la cuisine, d'autres rapportèrent avoir vu les draps du lit ou les murs tachés de sang, d'autres racontèrent que des fumées nauséabondes s'échappaient fréquemment des cheminées, les aubergistes auraient brûlé le corps de leurs victimes, dont des enfants, dans le four à pain de la cuisine ou en faisant croire qu'ils étaient morts de froid dans la neige sur le plateau) mais le procès s'enlisa et on pensa même à prononcer l'acquittement des accusés.
Puis, coup de théâtre : un mendiant de la région (Laurent Chaze) qui aurait tout vu et entendu raconta les faits. Il fut chassé de l'auberge à défaut de pouvoir payer son lit, il se serait alors caché dans une remise, d’où il n'aurait, en réalité, assisté qu'à l'assassinat d'un seul voyageur (Enjolras). Il semblerait que Chaze eût assisté à quelque chose d'anormal mais aussi que son témoignage eût été «arrangé». En effet, la langue utilisée dans la région était l'occitan, tandis que les audiences de Cour d'Assises se déroulaient en français. La communication n'était alors pas très facile.
L'avocat de Jean Rochette a, au cours de sa plaidoirie, implicitement accepté le fait que son client était un assassin en plaidant l'irresponsabilité de ce dernier car il ne pouvait pas échapper à l'influence de ses maîtres. Cette plaidoirie a sans doute contribué à sceller le sort des accusés.
Finalement jugés coupables d'un seul assassinat (celui d'Enjolras), et acquittés pour tout le reste le 28 juin après 7 jours d'audience, les époux Martin et leur valet Rochette furent tous les trois condamnés à mort.
En août, le pourvoi en appel est rejeté et Louis-Philippe refuse la grâce royale, même pour Marie Breysse. Le 1er octobre, le convoi des condamnés prend la route de Peyrebeille, lieu du crime et de l’exécution. Celle-ci se déroule devant une nombreuse foule le 2 octobre 1833, comme le mentionne la Gazette des Tribunaux.
Lorsque Rochette fut sur le point d'être exécuté, il cria : «Maudits maîtres, que ne m'avez-vous pas fait faire !». Les dernières paroles du supplicié suscitent le doute quant à la vraie nature des aubergistes.
Toutefois, beaucoup d'historiens pensent que la culpabilité des Martin dans l'«assassinat» d'Enjolras est loin d´être démontrée. Il semblerait que ce dernier soit simplement mort d'une crise cardiaque après avoir trop bu. Ceci expliquerait pourquoi l'épouse Martin essaya de lui faire boire une tisane.
La cour a longuement évoqué des faits prescrits car trop anciens. Des témoignages manifestement irrecevables ont été entendus. Ceux-ci ont influencé négativement le jury. En outre le président de la cour d'assises Fornier de Claussonne a effectué un «résumé» des débats après les plaidoiries de la défense qui s'apparentait à un second réquisitoire. Il a sciemment ignoré les arguments apportés par la défense qui a insisté sur le fait que le témoin principal était un clochard ivrogne et que son récit fut par moments invraisemblable.
Par contre, le neveu des Martin, André, est acquitté et remis en liberté bien qu'il ait peut-être participé à au moins un assassinat.
L'abbé Félix Viallet et Charles Almeras ont écrit l'histoire de l'auberge de Peyrebeille en concluant à la culpabilité des époux Martin. Paul d'Albigny rapporte dans son livre sur l'auberge rouge que le jour de l'exécution, un bal fut organisé devant l'établissement.
De nombreuses pièces du dossier ont disparu des archives judiciaires. Les pages des livres d'état civil faisant état des étapes de la vie des époux Martin ont été arrachées. Le mystère de la culpabilité ou de l'innocence des époux Martin ne sera jamais éclairci, sauf à retrouver un jour les pièces du dossier qui dorment peut-être dans un grenier si elles n'ont pas été détruites.
Les masques mortuaires des trois condamnés sont conservés au Musée Crozatier du Puy-en-Velay.
A l’aube de ce XXIème siècle, l’auberge maudite existe toujours. A peu de chose près, elle est demeurée en l'état où elle se trouvait ce 2 octobre 1833, lors de l'exécution des époux Martin et de Jean Rochette. Même si, désormais des constructions neuves (un motel, un restaurant et une station service) jouxtent ces bâtiments plus que centenaire, même si le goudron a remplacé les ornières et certains champs alentours, on ne peut que constater la force et la puissance qui se dégagent du lieu. on ne peut non plus ignorer cette inquiétude qui sourd en observant ces lieux chargés d’histoire.
Toujours debout aujourd’hui, elle est un haut-lieu touristique de l’Ardèche et revendique le titre « d’authentique auberge de Peyrebeille ».
"Passant ! Donne un regard à cette ferme infâme
Car c'était là, jadis, que la mort t'attendait,
La Maison du refuge était l'antre du crime
Et dès le seuil franchi, nulle âme n'en sortait !"L'affaire de l'auberge rouge inspira deux réalisateurs :
L'Auberge rouge de Claude Autant-Lara (1951) avec Fernandel dans rôle du moine et Françoise Rosay et Julien Carette dans ceux du couple d'aubergistes ;
L'Auberge rouge de Gérard Krawczyk (2007) avec Gérard Jugnot dans rôle du prêtre et Josiane Balasko et Christian Clavier dans ceux du couple d'aubergistes.
Source: Wikipédia