Entre magie et science Le tournoiement derviche, ou danse derviche tourneur, est une forme de méditation active, d'origine soufi. Une musique fascinante, une symbolique très forte...
fascination et mystère Les derviches tourneurs continuent de tourner jusqu’à l’atteinte d’une transe psychologique. A partir de ce moment, les derviches tourneurs déploient la paume de leurs mains gauches vers le ciel et celles de leurs mains droites vers le sol. La signification de ces gestes réside dans la volonté d’obtenir la grâce de Dieu par la main gauche et de la répandre par la main droite.
Historique des derviches tourneurs Les derviches tourneurs constituent les membres de l’ordre mevlevi, ordre musulman soufi. Le soufisme est une doctrine datant du 8ème siècle et qui est de nature cachée au sein de l’Islam. Il s’agit d’un mouvement spirituel, voire mystique, au sein de la religion musulmane. Au 13ème siècle, Jalal al-Din Rumi, grand penseur du soufisme, fonda l’ordre mevlevi à Konya, ville située aujourd’hui au coeur de la Turquie. Les membres de l’ordre mevlevi portent le nom de derviches tourneurs par le fait que les mouvements de leurs danses se rapprochent de ceux d’une toupie. Durant la période de l’Empire Ottoman, de 1299 à 1920, l’ordre mevlevi occupait une place importante et indépendante du pouvoir à l’intérieur de la société. Ainsi, un fonctionnaire qui servait le sultan ne pouvait pas en même temps être une personnalité majeure au sein de l’ordre mevlevi. Il devait choisir entre les deux fonctions. L’ordre mevlevi s’est alors étendu au Proche-Orient, en Egypte, et aux Balkans. Suite à la chute de l’Empire Ottoman en 1920, l’ordre mevlevi fut interdit en Turquie pendant 25 années. En effet, en 1950, les derviches tourneurs furent autorisés à nouveau d’effectuer des représentations et l’ordre mevlevi fut légalisé.
Caractéristiques des derviches tourneurs Les derviches tourneurs exercent leurs danses au sein d’une cérémonie appelée sema en turc. Durant cette cérémonie, les derviches tourneurs effectuent des rotations sur eux-mêmes de plus en plus rapidement au son d’instruments de musique traditionnels. Les derviches tourneurs continuent de tourner jusqu’à l’atteinte d’une transe psychologique. A partir de ce moment, les derviches tourneurs déploient la paume de leurs mains gauches vers le ciel et celles de leurs mains droites vers le sol. La signification de ces gestes réside dans la volonté d’obtenir la grâce de Dieu par la main gauche et de la répandre par la main droite. La transe est un « état second », « ayant à la fois une dimension psychologique et une dimension sociale » « La transe (transport spirituel) est un état modifié de conscience impliquant d'abord un dédoublement, le vécu d'une division ou multiplication de personnalité (corps/âme, esprit propre/esprit étranger...), ensuite un automatisme psychologique, l'impression de subir certains phénomènes psychiques (autonomie de l'âme, incorporation d'un esprit...) » (Pierre A. Riffard, Nouveau dictionnaire de l'ésotérisme, Payot, 2008, p. 288).
Caractéristiques de la transe La transe a été popularisée par les images spectaculaires de « sorciers » dont le corps était agité de soubresauts et les yeux révulsés. Si certains de ces phénomènes sont authentiques, d'autres sont simulés. Dans les soirées « techno » (les rave party), il a pu être noté que, sans connaissance du phénomène, une forme de transe pouvait être produite par entrainement collectif. La transe résulte de moyens « techniques » particuliers : danse rotative, accompagnée de musique percussive ou à tendance obsessionnelle, hyperflexion ou hyperextension du cou, pression sur les globes oculaires et fermeture des paupières, manœuvre de Valsalva, usage de certains procédés sonores, jeûne, respiration accélérée (hyperventilation, rebirth), usage éventuel de psychoactifs comme les plantes enthéogènes, échauffement collectif, etc. Certaines de ces méthodes pouvant présenter un danger, il est fortement déconseillé de les pratiquer sans un encadrement initial de personnes expérimentées.
Formes Les formes de la transe sont nombreuses, et fort différentes. En voici les types principaux, cités par ordre alphabétique. transe chamanique transe convulsive transe de vision transe divinatoire, les plus célèbres étant celles de la Pythie de Delphes, ou encore de l'oracle de Nechung, l'oracle d'État du Tibet, dont Thubten Ngodup est actuellement le médium2. transe ecsomatique : sortie-hors-du-corps, voyage astral, Out-of-the-Body Experience (O.B.E.) transe extatique (de nature mystique) transe hypnotique transe méditative transe médiumnique, la plus célèbre étant celle du médium spirite transe néoténique (à la naissance) transe onirique (durant le rêve) transe poétique : état d'inspiration créative transe psychédélique (sous l'influence de drogues hallucinogènes) transe somnanbulique transe terminale (au seuil de la mort) : expérience de mort imminente, Near Death Experience (N.D.E.)
Le samâ’ est considéré par les Mevlevis comme une danse d’amour et de mort qui arrache le soufi aux contingences du monde matériel pour l’attirer vers Dieu. Elle est aussi une leçon de cosmologie mystique, une danse des mystères qui enseigne comment suspendre la distance entre la créature et son Créateur, en voyageant et en remontant, sur le mode circulaire, le long des sphères du monde manifesté jusqu’au point de l’Unicité divine. C’est ce que la chorégraphie veut suggérer par ses cercles ascendants et descendants. L’accompagnement musical des flûtes, des percussions et des luths se veut un chant d’amour et de douleur.
L’ordre fut déclaré hors la loi en 1925 lors de la laïcisation de l’Etat turc malgré tout le respect qu’Atatürk pouvait avoir pour l’ordre, et ce afin de ne pas créer d’exception. Graduellement à partir de 1950, l’ordre put reprendre officiellement ses activités et racheter les bâtiments qui lui avaient été confisqués. La cérémonie de la Semâh (samâ’) a été classée au patrimoine culturel immatériel de l’humanité en Turquie, selon le classement de l’UNESCO.