Le départ d’une grande Dame me touche beaucoup !
Je me sens très touché par le départ de cette grande Dame.
Madame Simone Veil, née Jacob, tu as déjà laissé un sillage derrière toi et qui ne s’effacera pas de sitôt, n’en déplaise à quelques “salisseurs” de mémoire.
Je ne vais pas faire le panégyrique de Simone Veil. L’actualité le fait très bien.
Je vais plutôt vous dire pourquoi son départ me touche beaucoup, au point de me perturber.
Me perturber ?
Oui, car il y a avec son départ un devoir de mémoire que nous nous devons de transmettre, et le faire sans faillir.
Très curieusement, et sans qu'on ne se voit jamais, elle a croisé plusieurs fois ma vie.
Ma grand-mère paternelle s'appelait Simone Weil, grâce à son nom de mariage.
Elle, elle s'appelle Simone Veil, grâce à son nom de mariage.
Ma grand-mère est décédée vers ses 89 ans.
Pour Simone Veil, il en va de même.
Ma grand-mère a conservé toute sa tête et un caractère très trempé presque jusqu’au bout.
Il en va aussi de même pour Simone Veil.
Ma grand-mère avait la particularité d'avoir une écriture splendide et d'une calligraphie magnifique. Son adresse postale laissait penser beaucoup de gens qu'ils avaient à faire à une personne d'une grande renommée. Elle habitait au “Majestic Palace” à Royat (dans le Puy-de-Dôme)...
Je me souviendrai toujours d'un contremaître, alors que j'étais un très jeune mécanicien de 19 ou 20 ans, qui ne pouvait pas me blairer et faisait tout ce qu'il pouvait pour me mener la vie dure. Et il y parvenait !
Un jour, devant tout le monde et pour me rabaisser une fois de plus, il me demanda si Simone Veil était de ma famille.
Je lui ai répondu que Simone Weil était ma grand-mère. Évidemment, je me suis fait engueuler comme il se doit, mais là, je savais ce que je faisais et qu’il allait tomber dans mon piège.
Je lui ai répondu que le lendemain, je lui en apporterai la preuve.
Chose promise, chose faite.
Le lendemain je lui ai apporté une lettre calligraphiée de ma grand-mère, adressée à mon nom.
Dès qu'il l'a vu, il l'a prise, a regardé l'adresse et l'écriture puis me la rendue sèchement et sans la lire.
On aurait pu jurer qu'elle lui avait brûlé les doigts.
Depuis ce moment, j'ai eu une paix royale de sa part, mais également de certains chefs d'équipe qui ne savaient pas quoi en penser.
Un autre jour, ma petite sœur envoya une lettre à notre grand-mère, à notre Simone Weil. Cette lettre s'est perdue... pour se retrouver entre les mains de Simone Veil, au parlement de l’Europe.
Et enfin, bien des semaines plus tard, elle a reçu une lettre de Simone Veil, depuis l’Europe, qui l’a félicitée de prendre autant soin de sa grand-mère, en lui disant qu'elle avait tenu à retrouver la destinataire de la lettre et la lui avait fait suivre, avec un petit mot de sa part aussi.
Simone Veil EST toujours une femme exceptionnelle et ayant apporté beaucoup au genre humain, à commencer par les femmes.
Et ma grand-mère Simone en est une autre.
Elle n'a pas été déportée mais a été forcée de vivre l'exode, pendant que son mari (mon grand-père Jean Weil) était au front, a été fait prisonnier de guerre, s'est échappé, puis est retourné au front.
Pendant ce temps, ma grand-mère Simone faisait la queue sur les routes de l'exode et sous les bombardements des ME 109 (chasseurs) et des Stukas (bombardiers) qui bombardaient et mitraillaient tout ce qu'ils pouvaient, y compris directement les civils en remontant les routes. L'essence de la vieille voiture était de très mauvaise qualité, entrainant panne sur panne. Grand-mère Simone, ayant récupéré un chapeau mou en feutre, filtrait l'essence dès que nécessaire et aussi souvent que nécessaire, en tentant autant que possible de conserver l’œil ouvert sur sa fille (ma tante) et son fils (mon papa) qui, dès que les avions se faisaient entendre courraient sous les arbres et derrières les troncs pour se protéger. Mon papa s'en souvient encore. Il avait 4 ans.
Simone Veil, née Jacob, était juive.
Ma grand-mère était chrétienne mais mon grand-père était juif.
Afin de contenter les familles respectives, mon grand-père souhaitait se convertir au catholicisme (en secret de sa femme, tandis que sa femme procédait déjà à sa conversion juive en secret de son mari).
Lors d'un combat, sur le front, l’aumônier du bataillon dans lequel mon grand-père Jean se trouvait a été frappé d'une balle ennemie, en pleine poitrine. Mon grand-père était là, à côté de lui, et l’a pris dans ses bras. L'aumônier a rendu son dernier souffle dans ses bras. C'est à ce moment précis que mon grand-père à fait le serment devant le dieu de l'aumônier que dès la fin de la guerre, il se convertirait et irait à la messe tous les dimanches.
Il l'a fait, mais pas pour chaque dimanche.
En revanche, il ne loupait aucune messe importante... et tout un pan de la famille est partie de son côté et nous du nôtre. La fortune s'en est allée et, dieu m'est témoin, elle était grande.
Pendant ses vacances, ma grand-mère Simone voyageait beaucoup à l’étranger, et mon grand-père Jean faisait retraite dans le monastère de la Chaise-Dieu, en Auvergne.
Durant le gouvernement de Vichy, il a travaillé un peu avec ce gouvernement. Il fallait bien gagner sa croûte...
Mais il y avait ce qui se voyait, et il y avait ce qui était caché !
Si mon grand-père n’aimait pas les secrets, cependant, il ne parlait pas de lui. L’éducation de l’époque était ainsi.
Comme mon grand-père était d'origine juive et aussi allemande, il parlait l'allemand comme un allemand. Il était né en Allemagne et y avait grandi. Il avait un imperméable vert-de-gris, un chapeau mou comme cela était la mode et avait une très grande distinction (il a grandi dans un environnement très nanti).
Dès qu'il se faisait arrêter par les allemands, il ne se laissait pas démonter. Il leurs passait une engueulade dont il avait le secret, en allemand.
Nul n'a jamais su ce qu'il disait mais le résultat était là. Ceux qui l'avait arrêté le saluait, lui rendait ses papiers et le laissait repartir en ne sachant plus où se mettre. Puis il repartait vaquer à ses occupations, à savoir une activité de résistance dont on n'a jamais rien su, mis à part qu'il ne gardait pas les mains dans ses poches.
Parmi les branches de ma famille, il y a, comme on disait autrefois, du beau linge et à un haut niveau.
Ça, ce n’est pas le côté catholique... mais un peu plus... biblique.
Lorsqu'il est décédé, j'avais 7 ans et il me manque encore.
Il était Jean Weil et exerçait le métier d'expert.
Je n'ai jamais compris pourquoi un jour inattendu, je me suis retrouvé moi aussi Jean Weil et expert, d'autant que je ne m'appelle pas, administrativement, Jean-Luc mais Jean, tout comme lui. Et ce, à cause d'une faute de l'officier d’État-Civil qui a oublié un trait d'union.
L'histoire, la vie de Simone Veil me touche beaucoup et me serre de près.
Je ne suis pas juif mais ce sang-là coule aussi dans mes veines.
Il s'en est fallu de si peu... d'une balle perdue au champ d’honneur et dans la poitrine d'un aumônier.
Il y a quelques toutes petites années, mon grand-père Jean m’a dit, par l’entremise de la médiumnité, qu’il me mènerait à la Croix, en me montrant la Croix pattée vermeille.
J’ai très bien compris ce qu’il voulait me dire mais je n’avais aucune idée de ce qu’il allait se passer.
Il l’a fait.
Ce qu’il s’est passé défit l’imaginaire.
C’est la Croix Pattée vermeille qui est venue à moi et m’a ouvert non pas sa porte, mais carrément un portail avec tapis-rouge.
Simone Veil et Simone Weil, voici deux femmes envers lesquelles j’ai beaucoup d’admiration.
Sans ma Simone Weil à moi, je ne serais pas.
Sans la Simone Veil à tous, bien des femmes seraient trop malheureuses, entrainant bien du malheur chez beaucoup d’hommes.
L’une comme l’autre, ces Simone-là étaient absolument incorruptibles, autant qu’inflexibles et douces à la fois.
_______________________________________________
Quel que soit ton rêve, commence-le.
L'audace a du génie, du pouvoir et de la magie.
Prends pour outils l'amour comme épée et l'humour en bouclier.
Si tu crois en toi, alors l'Univers tout entier se pliera à ton désir.
Toujours plus haut.
Jean Luc Weil