Les Rois guérisseurs
Les rois de France avaient-ils un pouvoir de guérison ? La tradition l'affirme, des documents l'attestent et des historiens le confirment. Quelle est l'origine de ce pouvoir ? Quand et comment leur fut-il donné ?
Guérison des écrouellesC'est par la grâce d'un pouvoir divin que les rois détenaient le privilège de guérir certaines maladies. Chaque souverain avait sa spécialité. Ainsi, depuis Edouard, les britanniques guérissaient l'épilepsie. Les rois d'Espagne délivraient les possédés tandis que les rois de Hongrie faisaient disparaître la jaunisse et les rois de Bourgogne éloignaient la peste.
Quant aux rois de France, ils avaient le don de guérir les écrouelles, maladie pratiquement oubliée aujourd'hui. Elle se manifestait par des abcès d'origine tuberculeuse qui se forment sur les ganglions du cou.
Suivi de sa cour, le roi avançait vers les malades alignés et anxieux. Avec deux doigts de sa main droite, il traçait sur chacun un grand signe de croix du front au menton et d'une oreille à l'autre. Il n'utilisait aucune potion, aucun filtre ; ce simple toucher suffisait.
La tradition attribuait ce pouvoir de guérison à Saint-Maclou, qu'on appelle aussi Clou ou Marcou. Ce Saint -s'il a réellement existé – avait la réputation de guérir les maladies de la peau et plus particulièrement les écrouelles.
D'après Saint Thomas d'Aquin cette prérogative remonterait à Clovis. Pour d'autres historiens, elle serait née au XIème siècle et pour d'autre encore à Saint Louis.
Pour certains chercheurs enfin, ce pouvoir aurait été donné aux Rois Mérovingiens, descendants légitimes de la lignée de Jésus, qui, comme Jésus, les Esséniens et les Nazorites tel que Samson gardaient leurs cheveux longs car ils pensaient que de là leur venaient leurs pouvoirs.
Ce que nous savons avec certitude, c'est que tous les rois de France depuis Jean le Bon jusqu'à Louis XIV pratiquèrent ces guérisons.
Plus près de nous, après la révolution, le roi Charles X imposa ses mains à plus de cent malades dans un hôpital le 31 mai 1825. Cette cérémonie mit un terme à cette vieille tradition car depuis cette date aucun souverain européen n'a publiquement affirmé son pouvoir et pratiqué une séance de guérison
Rois et thaumaturgesEn Orient comme en Occident, la fonction royale est un lien vivant entre le spirituel et le temporel. Le roi est un trait d'union entre Dieu et les hommes. Il est un chef politique, mais il est aussi un prêtre et un magicien qui détient la connaissance.
Sans remonter à l'Egypte antique où les pharaons étaient détenteurs de pouvoir royaux et sacerdotaux, citons le plus célèbre roi-prêtre, le mystérieux Melchisédech. Dans son épître aux hébreux, Saint Paul le nomme : « Roi de Salem et prêtre de Dieu Très haut ». Le premier sacre connu est celui de Saül. Lors de la naissance du Christ, des « rois mages » le reconnaissent comme roi et maître spirituel. Partout le roi représente la puissance divine qui lui délègue des pouvoirs surnaturels, ce qui lui confère une puissance magique redoutable que longtemps les peuples ont reconnu et accepté. Aussi, est-ce avec confiance et humilité qu'ils se présentaient devant les rois guérisseurs depuis l'antiquité.
S'agissait-il de « guérisons miraculeuses » ou de chocs psychosomatiques engendrés par l'émotion ressentie en présence du Roi de France et de la grande confiance en ce personnage ? Il est vrai que « la foi peut soulever des montages » et les malades à qui les écrouelles furent guéries avaient la foi. Ils croyaient en Dieu et en leur souverain.
Le souverain croyait aussi en sa mission et en son pouvoir... du moins jusqu'à une époque relativement récente.
C'est sans grande conviction que le 31 mai 1825 Charles X procéda à la dernière cérémonie de « guérison des écrouelles ». le rois, semble-t-il, doutait de sa légitimité et craignait les moqueries de ses libéraux. Il pensait que le peuple croyait moins au pouvoir miraculeux de la main royale. Il n'eut pas devant lui 2500 malades comme en avait reçu Louis XIV dans une journée. Accompagnée de son chirurgien Dupuytren, il s'approcha timidement des 121 scrofuleux qui, eux, croyaient en lui. Mais Charles X était bien loin d'avoir l'assurance de ses prédécesseurs. Il accomplit sans conviction les gestes rituels, puis, comme pour s'excuser, il se retira sur ces paroles de doute qu'il adressa maladroitement aux malades : « Mes chers amis, je vous ai apporté des paroles de consolation ; je vous souhaite vivement que vous guérissiez »... Cependant le chirurgien Dupuytren constata plus tard que sur les 121 malades touchés par le roi, 5 avaient été définitivement guéris.