Rencontre avec Archie Fire Lame Deer Homme-médecine sioux, porteur de la tradition lakota « Je veux parler de ma Mère la Terre. Ce que j’ai à dire est très sacré ». Propos recueillis par Claudie Léger publié dans la revue Terre du Ciel de Janvier-Février 2000.
Depuis 1976 Archie Lame Deer porte la voix du peuple Sioux, et plus précisément, de la tradition Lakota - Fils de Tahca Ushte, auteur du célèbre ouvrage De mémoire indienne, il dut reprendre le flambeau à la mort de son père. Tour à tour militaire en Corée, cascadeur à Hollywood, cow-boy et chasseur de serpents à sonnette, Archie devint homme-médecine. Suivant la lignée de ses ancêtres, il reçut la coiffe de plumes et la canupa, pipe dont la fumée symbolise le souffle du Grand Esprit.
Né dans le Dakota du Sud, ayant passé une grande partie de sa vie au pied de la Montagne de l'Ours, Bear Butte, Archie transmet aujourd'hui les valeurs et la philosophie de son peuple, comme le fit son père, heyoka (clown sacré) et wichasha wakan (saint homme).
Waayatan, homme de visions et de à rêves, Archie donne des enseignements essentiels aux peuples occidentaux, conformément à son destin. Depuis 20 ans, il parcourt le monde, installant des lieux de prière, animant la des séminaires qui, toujours, appellent au respect, de l'environnement et de l'homme.
Homme vénérable et simple, ce conseiller spirituel qui a rencontré le Pape et le Dalaï Lama, ne s'inscrit pas dans une mouvance New Age. Il ne se présente d'ailleurs jamais comme un chaman, même s'il en a les pouvoirs. Ayant côtoyé de près la misère humaine, notamment dans les prisons de Californie, après un parcours de vie sinueux, Archie Fire Lame Deer tente de réveiller la conscience écologique et holistique d'êtres « civilisés », stressés, qui ont, pour la plupart, perdu leurs racines.
Son message est plein de sens, d'humour, de sagesse. Il nous invite à entrer dans le cercle sacré, auquel appartient tout humain quelle que soit sa religion. « Respectez, aimez et honorez la vie ; soyez humbles ! » La première prière faite en entrant dans la sweat lodge (hutte à sudation), rite premier de la tradition Lakota, n'est-elle pas : « Mitakuye Oyasin », qui signifie : « Je remercie tous les miens, toute la création » ?
Quand avez-vous senti l'importance de faire connaître la tradition lakota en Europe ? J'ai participé dès 1981, à La Haye, aux premières sessions du Tribunal International sur les Droits de l'Homme, statuant avec d'autres leaders religieux. Ce Tribunal Russel, composé d'un jury de douze hommes, a évoqué les problèmes de génocide et d'ethnocide. Reagan, alors président des Etats-Unis, a fait retirer la participation de son pays sachant que celui-ci serait mis en accusation par rapport aux droits religieux des natifs...
Ma participation à ces instances avait des contraintes financières ; raison pour laquelle j'ai organisé des conférences et recueilli plus de 60 000 dollars. J'ai alors réalisé qu'il y avait en Europe un appel à l'enseignement spirituel de mon peuple.
Les anciens m'ont poussé à répondre à cet appel.
Quels sont vos premiers souvenirs concernant la France ? J'y ai d'abord rencontré les soi-disant groupes de soutien des Indiens d'Amérique, mais ils se battaient comme des organisations politiques, alors je suis retourné en Allemagne. En 1985, je suis revenu en France à l'invitation de sympathisants originaires de Guingamp. En découvrant les voies celtes, j'ai vu la similitude existant entre natifs originaires d'Amérique et natifs d'Europe.
Alors que je me trouvais avec des druides, l'un d'eux m'a demandé la signification du P inscrit dans mon nom, entre Archie et Fire. J'ai répondu « Perceval », appellation que m'avait donné ma mère, après un rêve... Ces gens m'ont offert des bracelets de sept feuilles de chêne, en me disant : « Bienvenue à la maison ! » Dans certains lieux, les Bretons ont accepté les sweat lodge et les quêtes de vision qui les connectent avec leurs origines.
Vous parlez aussi de connexions entre les continents... La pratique des sweat est fort ancienne. En Irlande, des spécialistes ont trouvé, dix pieds sous terre, des vestiges de huttes datant de 11 000 ans. Les enseignements lakotas disent que, dans un lointain passé, les continents étaient reliés. Hommes et bisons effectuaient des migrations. Entre le Danemark, l'Islande, le Groënland et le Nord des Etats-Unis, il y avait des ponts... Espérons que les nouveaux ponts ne soient pas brisés.
Pensez-vous que nous soyons tous reliés ? L'homme, est la connexion entre le Créateur et la terre. Vous êtes comme l'arbre, vous êtes les racines du sacré. La terre est notre vraie mère, car tout vient d'elle. Si nous voulons survivre, nous devons la respecter. Elle fut placée dans cet univers par Grand Esprit, Wakan Tanka, celui que vous appelez Dieu. Ma mission est d'enseigner aux peuples comment survivre. Le temps est venu de prier chaque jour, pas seulement le dimanche. Tout est sacré, cet instant, les pierres, toutes les créatures.
N'importe qui peut prier n'importe où, n'importe quand. Celui qui prie au nom du Christ ne saurait prétendre avoir de supériorité sur quoi que ce soit. Il n'y a qu'un seul Dieu, même si on peut lui donner plusieurs noms.
Comment situez-vous la tradition indienne par rapport aux grandes religions ? La compréhension spirituelle se situe au-delà de toute religion, au-delà de tout enseignement écrit. La spiritualité pénètre le coeur et l'esprit de chaque personne qui cherche un nouveau chemin. La voie chrétienne prêche l'amour, le respect, la paix, mais les chrétiens ont provoqué la guerre et la haine. Les sept grandes religions sont source d'endoctrinement.
Participerez-vous à un rassemblement inter-traditions, comme le firent certains leaders spirituels, en Savoie, l'an dernier ? Non. Il y a longtemps, j'ai rendu une visite au Pape, à Rome. J'ai prié et j'ai eu une vision. J'ai aperçu une porte et une voix m'a dit d'entrer dans une pièce. A gauche, j'ai vu une table carrée avec tous les leaders religieux , à droite, autour d'une table ronde, siégeaient des guides spirituels, dont le Dalaï Lama. La voix m'a dit d'avancer dans la pièce, puis de me retourner. Ceux qui étaient à gauche occupaient l'espace de droite, et inversement. J'entendis intérieurement : « A toi de faire ton choix ».
Devant moi, il y avait une lumière. J'ai avancé et pénétré dans cet espace verdoyant avec des chants d'oiseaux en abondance. C'est là où je me trouve aujourd'hui. Je n'ai pas le souhait d'en partir !
Votre amour de la nature vous amène-t-il à des recommandations? Tous les peuples doivent sauver la terre pour leurs enfants. Nous pouvons changer la pollution de l'air, de l'eau, de la terre. Travaillons ensemble. Ne laissons pas cette responsabilité aux organisations. Le monde ne peut survivre avec des gouvernements composés de septuagénaires. Le monde doit appartenir aux jeunes, pas aux anciens...
Quel est l'avenir de la tradition lakota aux Etats-Unis et en Europe? Pour les Indiens, l'arrivée des hommes blancs représentait un nouveau mode de vie, mais cela n'a pas abouti au déclin final de leur spiritualité. Nous commençons à avoir une position dans le gouvernement, tant au niveau des décisions que de l'administration. Les Indiens accèdent à l'éducation, à des postes de plus en plus importants. Ils n'ont jamais accepté de rompre avec les enseignements de leurs ancêtres.
En ce qui concerne la perpétuation de notre tradition en Europe, il existe 28 groupes jusqu'à la Mer Noire, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie, l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne, la France. Avec l'association Makoce Wakan, près de Bordeaux, j'ai conduit, en juin dernier, le quatrième rassemblement européen des porteurs de pipes sacrées. Là, l'an prochain, à la même période, aura lieu la première Sun Dance organisée en Europe. C'est une cérémonie sacrée, en hommage à Crazy Horse, à laquelle seuls participeront ceux qui suivent ce chemin. La Voie Rouge...
Archie Fire Lame Deer a rejoint le monde des esprits en 2001. "Toutes les cérémonies Lakota se terminent par les mots Mitakuye Oyasin qui signifient « à tous mes proches ». Ils indiquent que nous avons prié pour tous nos proches, ce qui inclut tous les êtres humains sur cette terre, et tout ce qui vit : tous les animaux, même l’insecte le plus minuscule, et toutes les plantes, y compris la fleur sauvage la plus frêle" .
Archie Fire Lame Deer – Le cercle sacré 1992.
ESPRIT SHAMAN
Publié par ÉVOLUMIÈRE