Je copie ici un t'exte écrit avec beaucoup d'humour, je trouve:
La sorcellerie des campagnes. Tel le furet c'est à sa puanteur qu’on traque le sorcier rural : il est passé par ici et repassera par ...
Il égrène dans la campagne épidémies porcines, sciatiques foudroyantes, hantises dans les granges… tout un chapelet noir de malchance et de méfaits frappés d'un signe qu’un villageois plus « malin » reconnaît un jour, signature de l'occulte, la griffe du Malin.
Quant à l'identifier lui en personne, à malin malin et demi. Est-il à la forge du maréchal-ferrant, aux métiers à tisser ou sous la blouse du berger ? On l’a peut-être rencontré au coin du bois, le malfaisant, c'est l'homme aux yeux rouges ou le pied-bot, le braconnier, la sage-femme ou même surement cette vielle qui grommelle toujours sur votre chemin.
Le sorcier des campagnes… Un archaïsme ? Un fantôme ? Un revenant toujours alerte. Et s'il n'existe pas, on l'invente le sorcier, sorcière, souffleur, ensorceleur, il est puissant comme une obsession, omniprésent comme l'invisible. Toujours en marge, à côté des ordinateurs de l'exploitation et du bornage des propriétés d'où il vient de sa longue cuillère écumer les passions les plus honteuses. Mage, thaumaturge et démonologue, il tient en main l'axe du Bien et du Mal qui permet à la vie sociale de tourner rond, à la mythologie villageoise de remuer les filiations ancestrales avec les galipotes, les loups-garous, la bête du Gévaudan, « empouses » et vampires, quand les discours du curé, du médecin ou du notaire deviennent lettres mortes devant la poule qui ne pond plus parce qu'elle a été envoûtée, les vaches dont on tire le lait par le charme du cordeau où le bétail encloué.
Un mal, le sorcier, mais un mal nécessaire. D'ailleurs, à côté des mains de gloire, mauvais œil, évocation de mort, envoûtement, charmes, pactes et le reste, ne peut-il pas pourvu qu'il le veuille, vous réserver ferme une place en paradis : il sait la Patenôtre blanche !
On va le « trouver » pour tout et n'importe quoi : pour gagner au tiercé, faire cesser la grêle ou amener la pluie, stopper la colique (ou l'infliger au voisin) faire faire à un cheval (ou à une camionnette bétaillère ?) plus de chemin en une heure qu'un autre en huit heures, pour faire danser une fille nue, réparer un pucelage, faire s'enrayer une arme, pour se garder des chiens, des renards, des rats, des maléfices, combattre un incendie, soigner un goitre, ou « rhabiller » une articulation, éteindre un feu de cheminée, navrer le rival triomphant et naturellement pour satisfaire sa lubricité, ramener la maîtresse ou l'amant trop rebelles .Tout un art.
Cette art est en fait un savoir-faire et le plus souvent un bric-à-brac : quelques recettes de mage, des tours de guérisseur, l'audace du comédien et la prudence du desservant, le goût du charisme et le manteau de la superstition. Pourtant, il se révèle aussi comme une vraie science.
Il possède son livre, plus ou moins compilé des grimoires colportés depuis deux siècles par monts et par vaux, eux-mêmes fragments souvent dénaturés de magie rituelle: la Poule noire, le grand et le petit Albert, le grimoire du pape Honorius, la Clavicule de Salomon, la Véritable Magie noire, le Trésor Du vieillard des Pyramides.
On dit qu'il aurait été initié par un pacte avec le diable. En voici en tout cas le secret, tel qu'on le lit dans la Poule noire : « prenez une poule noire qui n'ait jamais pondu et qu’aucun coq n’ait approché, faites en sorte qu'elle ne crie et pour cela prenez-la par le cou quand elle dormira à onze heures du soir, rendez-vous sur un grand chemin dans l’endroit ou deux routes se croisent ; là, à minuit sonnant, faites un rond avec une baguette de cyprès, mettez-vous au milieu et fendez le corps de la poule en deux en prononçant ces mots par trois fois : Eloim, Essaim, frugativi et appellavi. Tournez ensuite la face vers l’Orient, agenouillez-vous et dites une oraison, puis faire la grande appellation ; alors l'esprit immonde vous apparaîtra, vêtu d'un habit écarlate galonné, une veste jaune et d'une culotte vert d’eau, il vous demandera vos ordres. » Le texte ajoute une recommandation importante « il faut que vous ayez fait vos dévotions et que vous n'ayez plus rien à vous reprocher.
Ceci est d'autant plus essentiel que, s'il n'en était pas ainsi, vous seriez plutôt aux ordres de l'esprit malin qu’il ne serait au vôtre. » À bon entendeur…
Les techniques opératoires du sorcier ne négligent ni paroles ni gestes ni écrits ni drogues ni pentacles.
Chaque prescription est nantie d'une échappatoire en cas d'échec. Le « client » aura mal compté le nombre d'étoiles pendant tel laps de temps ou mal comptabilisé les grains d'avoine que le cheval noir exorcisé aura avalés. La comptabilité n'est qu'un exemple.
On comptait jadis sept principaux maléfices : faire naître une passion criminelle, inspirer des sentiments de haine ou d'envie contre une personne, jeter des ligatures, donner des maladies, faire mourir les gens, ôter l'usage de la raison et nuire aux biens matériels.