Porte-au-nez
En psychologie sociale la porte dans la face ou encore porte au nez est une variante inverse de la technique de manipulation du pied dans la porte. Elle consiste à faire précéder une demande de comportement plus ou moins coûteuse par une demande beaucoup plus coûteuse, parfois même fantaisiste.
Découverte
Auparavant connue dans les milieux de la vente et de la prospection, cette technique fut officiellement dévoilée en 1975 lors d'une expérimentation dans laquelle Robert Cialdini et ses collaborateurs (Cialdini, Vincent, Lewis, Catalan, Wheeler et Darby, 1975) demandaient à des étudiants de parrainer un adolescent d'un centre de détention pour jeunes délinquants, deux heures par semaine et ce, pendant deux ans. Une fois cette requête fort coûteuse refusée, les auteurs proposaient alors aux étudiants précédemment sollicités, une sortie unique de deux heures durant laquelle ils parraineraient un des garçons du centre de détention. Précéder cette dernière demande, de la sollicitation coûteuse, permit de tripler le nombre d'acceptations de parrainage pour la sortie unique, par rapport à un groupe contrôle d'étudiants auxquels seule cette sortie unique était proposée.
Exemple
Le locuteur demande à quelqu'un de lui prêter sa voiture pour une semaine. Il essuie un refus logique, auquel il s'attendait car il n'a jamais réellement voulu emprunter la voiture pour une semaine.
Il fait alors une demande moins coûteuse, lui prêter sa voiture pour une journée. Par effet de contraste, de concession perçue (il s'est sacrifié par rapport à sa demande initiale) et de culpabilité chez la personne à manipuler (je n'ai pas pu satisfaire sa demande et désire donc me racheter) cette technique augmente fortement les chances d'acceptation de ladite personne.
Le sentiment de culpabilité fonctionne d'autant mieux que la personne à manipuler se sent proche du locuteur et en conséquence ne veut pas perdre son amitié.
Mécanismes de la Porte-au-nez
Suite à la première de ces expérimentations, Cialdini a pu montrer :
que la première requête doit nécessairement être beaucoup plus coûteuse que la seconde.
que la même personne doit procéder aux deux requêtes, afin que la technique de Porte-au-Nez soit efficace.
Dans le cas où ces conditions ne sont pas respectées, la probabilité d'acceptation de la requête la moins coûteuse n'est pas sensiblement plus élevée que lorsqu'elle est présentée seule.
D'autres conditions peuvent être favorables à l'acceptation de la seconde requête (principes d'optimalité) :
La similitude des 2 requêtes. En effet, les requêtes ne doivent varier que dans le coût. Elles doivent s'inscrire dans le même projet.
La requête est légitimée si elle s'inscrit dans une noble cause (aider les pauvres, etc.).
L'intervalle de temps entre les 2 requêtes doit être le plus bref possible (au delà d'une journée, on n'obtient plus d'acceptation à notre seconde requête).
Le face-à-face doit être préféré au téléphone et au courrier.
La requête initiale doit être exorbitante mais ni incongrue ni déplacée ou ridicule.
Explication
Ces expérimentations incitèrent l'auteur à conclure quant à l'explication suivante : la technique de la Porte-au-nez se baserait sur le principe de réciprocité : puisque l'autre fait un pas en ma faveur (il propose une requête moins coûteuse), je me sens un peu plus obligé d'accepter (librement !) sa seconde requête.
La réciprocité est l'un des six principes fondateurs de la théorie qu'il développa dans son ouvrage, Influence: the Psychology of Persuasion, 1984.