Jack Talons-à-Ressort (Spring-Heeled Jack) est un personnage du folklore anglais datant de l'ère victorienne. Les récits le décrivent comme un homme mystérieux à l'apparence diabolique; il aurait le pouvoir de faire des sauts extraordinaires, d'où le surnom.
On l'aurait d'abord aperçu en 1837. On l'aurait revu plus tard à travers toute l'Angleterre, de Londres jusqu'à Sheffield et Liverpool, mais il aurait sévi en particulier à Londres. Il aurait agressé des gens et se serait enfui en faisant des sauts de géant dans un éclat de rire sardonique.
Jack Talons-à-Ressort est décrit par ses prétendues victimes comme un homme grand et mince, aux traits diaboliques, avec des mains glacées et griffues, des yeux exorbités et étincelants, et une bouche crachant le feu. « Son visage était hideux, ses yeux comme des boules de feu, et il crachait des flammes bleues et blanches. Ses mains étaient comme des serres, mais froides comme la glace. Il portait comme un casque très serré sur la tête, et un costume blanc moulant sous sa cape noire. » Jane Aslop. Les avis sont partagés : pour les uns il s'agit d'un démon, pour les autres d'un extra-terrestre ou encore d'un farceur déguisé qui aurait fabriqué des chaussures spéciales lui permettant de rebondir.
Le personnage est devenu un élément de la culture populaire; il apparaît dans de nombreuses œuvres de fiction où il joue le rôle d'un super-héros. Ainsi la scène de la capture du Dr Jekyll sautant de toit en toit à Londres par Allan Quatermain dans La Ligue des gentlemen extraordinaires est-elle fortement inspirée de cette histoire.
50 ans plus tard, son personnage pourrait avoir inspiré celui de Jack l'éventreur.
Premières apparitionsLes premiers récits relatifs à Jack Talons-à-Ressort ont été faits à Londres en 1837 tandis que la dernière apparition signalée semble avoir été faite à Liverpool en 1903.
Le premier récit au sujet de Jack provient d'un homme d'affaires qui rentre chez lui un soir après sa journée de travail. Il dit avoir été soudainement choqué en voyant un individu mystérieux sauter sans difficultés les hautes grilles d'un cimetière. Aucune attaque n'est signalée mais la description de l'homme dérange : un individu musclé aux traits diaboliques, des oreilles et un nez larges et pointus et des yeux rougeoyants.
Plus tard, en octobre 1837, une fille nommée Mary Stevens marche sur la colline de Lavender, où elle est employée comme domestique, et revient d'une visite chez ses parents à Battersea. En passant par Clapham Common, selon ses déclarations, un étrange individu lui saute dessus dans une allée sombre. Après l'avoir immobilisée en lui tenant fermement les bras, il commence à baiser son visage, tout en déchirant ses vêtements et en touchant sa peau de ses griffes qui sont, selon sa déposition, « froides et moites comme celles d'un cadavre ». Sous l'effet de la panique, la jeune fille crie, poussant son agresseur à prendre la fuite. Le trouble pousse de nombreux riverains à se lancer dans une chasse à l'homme, mais leurs recherches restent vaines.
Le lendemain, le personnage bondissant semble choisir une victime toute différente, toujours dans le secteur de la maison de Mary Stevens, inaugurant un modus operandi qui se répétera les fois suivantes : il bondit sur le passage d'une voiture, provoquant la perte de contrôle du véhicule par son conducteur, qui produit un accident dans lequel il est sévèrement blessé. Plusieurs témoins affirment qu'il s'échappe en sautant par-dessus un mur de 2,70 mètres et en lançant un rire haut-perché et retentissant.
Peu à peu, les nouvelles au sujet de l'étrange personnage se répandent et bientôt la presse et le public lui donnent un nom :
Jack Talons-à-Ressort.
Reconnaissance officielleQuelques mois après ces premières apparitions, le 9 janvier 1838, sir John Cowan, Lord-maire de Londres, révèle en séance publique à la Mansion House avoir reçu quelques jours plus tôt une plainte anonyme, qu'il n'avait pas immédiatement divulguée dans le but d'obtenir des renseignements ultérieurs. L'auteur du courrier, qui avait signé « Un résident de Peckham », avait écrit ceci :
- Citation :
- « Il apparaît que certains individus (comme le croit l'auteur, des plus hauts rangs de la vie) ont fait un pari avec un compagnon malicieux et téméraire, qu'il n'accepterait pas la tâche de visiter plusieurs villages près de Londres sous trois déguisements différents : un fantôme, un ours et un diable ; et, de plus, qu'il n'entrerait pas dans le jardin d'un gentleman dans le but d'alerter les occupants de la maison. Le pari a néanmoins été relevé et accepté et le vilain pusillanime a réussi à priver sept dames de leurs esprits, dont deux ne semblent pas s'en remettre mais au contraire devenir des charges pour leurs familles.
Dans une maison, l'homme a sonné la cloche et comme la domestique venait ouvrir la porte, ce plus que brutal a surgi dans le costume pas moins qu'horrible d'un spectre parfaitement imité. En conséquence, la pauvre fille s'est pâmée en un instant et n'a plus, depuis ce jour, retrouvé ses esprits.
L'affaire s'est poursuivie quelque temps et, étrangement, les journaux sont toujours muets sur le sujet. L'auteur a raison de croire qu'ils ont toute l'histoire au bout de leurs doigts, mais que des intérêts les poussent à garder le silence »
Malgré le scepticisme du Lord Mayor, un membre du public confirme que « des domestiques de Kensington, de Hammersmith et d'Ealing racontent des histoires épouvantables de ce fantôme ou ce diable. » L'affaire est rapportée dans The Times du 9 janvier et dans d'autres journaux nationaux le lendemain. Le surlendemain, le 11 janvier, le Lord Mayor montre à une foule rassemblée une pile de lettres, venant de plusieurs lieux dans Londres ou aux alentours, de personnes se plaignant de « vilaines farces » du même genre. Le nombre de courriers déversés dans la Mansion House montre combien l'histoire s'est répandue dans tous les faubourgs londoniens. Un des auteurs de ces lettres dit que plusieurs jeunes femmes de Hammersmith ont fait de « dangereuses crises » et que d'autres ont été « gravement blessées par une sorte de griffes que le mécréant portait sur les mains ». Un autre correspondant affirme que, à Stockwell, Brixton, Camberwell et Vauxhall, plusieurs personnes sont mortes de peur et que d'autres ont fait des crises. Dans le même temps, un autre rapporte que le farceur a été vu plusieurs fois à Lewisham et à Blackheath.
Le Lord Mayor est partagé sur l'affaire : il estime que « les plus grandes exagérations » ont été faites et qu'il est pratiquement impossible « que le fantôme puisse réaliser les actions d'un diable sur terre », mais d'un autre côté il croit en l'histoire d'une domestique de Forest Hill qui a été effrayée jusqu'à s'évanouir de l'apparition d'un individu dans une peau d'ours. Il est confiant que la ou les personnes impliquées dans cette « exhibition de pantomime » seront attrapées et punies. La police est chargée de se mettre à la poursuite de l'individu et des récompenses sont offertes.
Un rapport de The Brighton Gazette, paru dans l'édition du Times du 14 avril 1838 relate comment un jardinier de Rosehill, dans le Sussex, a été terrifié par une créature de nature inconnue. The Times écrit : « Jack Talons-à-ressorts a semble-t-il trouvé la route de la côte du Sussex ». Le récit a pourtant peu de similitudes avec les autres affaires concernant Jack. L'incident se déroule le 13 avril. Un individu apparaît à un jardinier « sous la forme d'un ours ou d'un autre animal allant à quatre pattes ». Ayant attiré l'attention du jardinier par un grognement, il escalade alors le mur du jardin et le parcourt en courant à quatre pattes, avant de sauter au bas du mur et de mettre en fuite un instant le jardinier. Puis l'apparition escalade à nouveau le mur et disparaît, sous les yeux de la victime terrorisée.