Les déchets spatiaux sont de plus en plus nombreux, et leur présence constitue une réelle menace : en cas de collision, ils peuvent mettre hors d'usage des satellites dont la conception et le lancement ont coûté des milliards d'euros. Sans parler du risque pour les vols habités : c'est justement le sujet du film Gravity d'Alfonso Cuarón, dans lequel la navette de deux astronautes est percutée par l'un de ces vagabonds de l'espace.
Un scénario plausible, selon le tweet de Neil deGrasse Tyson (un astrophysicien new-yorkais taquin qui s'est par ailleurs amusé à pointer les inexactitudes du film, soulignant que les cheveux de l'actrice Sandra Bullock auraient dû flotter autour de sa tête lors des scènes d'apesanteur) : “La catastrophe dépeinte dans #Gravity est tout à fait susceptible d'arriver en vrai”.
Le lancement test est prévu pour 2018
Nettoyer ces dangereux débris est justement un défi que l'école polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en partenariat avec Swiss Space Systems, a décidé de relever. Sa botte secrète : CleanSpace One, un satellite en élaboration depuis janvier 2012 et dont le lancement test devrait avoir lieu en 2018. Son but : traquer les restes de ses congénères et les détruire.
À l'origine du projet, le directeur du Swiss Space Center Volker Gass confirme l'urgence de la situation : “Aujourd'hui, près de 700 satellites opérationnels circulent autour de nos têtes. Les collisions sont inévitables. C'est d'ailleurs arrivé en 2009, lorsqu'un satellite de communication américain encore en activité a heurté un satellite russe hors service à plus de 40 000 km/h. Bilan : 55 millions de dollars partis en fumée, et des milliers de débris en plus.”
Plus de 200 000 débris actuellement répertoriés
La manœuvre de lancement de CleanSpace One, délicate, comportera trois étapes. Dans un premier temps, une navette suborbitale nommée SOAR sera larguée à 10 km d'altitude par un Airbus. Elle montera ensuite à 80 km, où elle larguera une capsule chargée du satellite CleanSpace One avant de revenir sur Terre. La capsule ralliera enfin les 700 km d'altitude, d'où elle pourra mettre le nettoyeur en orbite.
Une fois mis en place, CleanSpace One pourra effectuer sa première mission : s'approcher du nanosatellite SwissCube et le précipiter dans l'atmosphère, où il se consumera. Ce dernier ne mesurant que 10 cm de côté, la prouesse technologique à réaliser est de taille. Et le choix de ce cobaye n'est pas anodin : la Station Spatiale Internationale (ISS), où se succèdent en permanence des astronautes, est en effet menacée régulièrement par plus de 12 000 déchets de taille équivalente. Pour les éviter, elle a déjà dû changer d'orbite plus d'une dizaine de fois depuis son assemblage en 1998.
Pour Claude Nicollier, ancien astronaute et professeur à l'EPFL, plus que le matériel, c'est avant tout la vie humaine qu'il faut protéger. “Le nettoyage de l'espace est une question d'éthique. Pour la sécurité de nos astronautes, il faut absolument faire baisser le nombre de débris, qui augmente de manière exponentielle à chaque collision.” Sachant qu'il y en a près de 200 000 répertoriés, mesurant de quelques centimètres à la taille d'un bus, CleanSpace One risque d'avoir du travail.