Les Thugs, Thags ou Thagîs constituaient une confrérie d’assassins professionnels et adorateurs de Kâlî parfois appelée dans ce contexte Bhowani. Active en Inde du XIIIe au XIXe siècles. La confrérie serait apparue sous le règne de Jalâl ud-Dîn Fîrûz Khaljî. Le sultan de Delhi l'aurait combattue et aurait déporté un millier de Thugs à Gaur au Bengale, où la secte aurait continué ses exactions de façon discrète, ainsi qu’en Orissâ, puis aurait retrouvé une visibilité comme force occulte anti-coloniale.
On les appelait parfois Phansigar, c'est-à-dire « utilisateurs de nœud coulant », un terme plutôt utilisé dans le sud de l'Inde. On pense qu’il s’agissait d’un culte héréditaire, dont les sectateurs étaient hindous et qui pratiquaient le vol et le meurtre par strangulation, à grande échelle, sur les voyageurs. L’appartenance à la secte se transmettait de père en fils, les femmes des familles ignorant tout de l'activité des hommes.
Le mythe fondateurDans les premiers âges du monde, un démon gigantesque infestait la terre, détruisant la communauté ârya (noble en sanskrit, selon le Manusmriti, ce sont les hommes nés du Purusha, le Mâle cosmique) au fur et à mesure de sa création. Kâlî décida alors de le tuer pour sauver la communauté ârya de l’anéantissement. Elle se munit d'une immense épée, se rendit au devant du monstre et le découpa en morceaux. Mais aussitôt que le sang touchait le sol, de chaque goutte naissait un nouveau démon, aussi terrible que le premier. Tandis que la transpiration coulait sur son corps, elle réalisa que tous ses efforts étaient vains et qu’elle serait bientôt trop faible pour abattre les hordes qui se levaient à la suite de chaque coup d'épée.
Elle réfléchit alors à une autre méthode pour exterminer le démon, puis avec sa sueur mélangée à la terre, elle fabriqua deux hommes qu’elle chargea de la sainte tâche de délivrer la terre des monstres. À chacun des hommes, elle donna un morceau de son vêtement puis leur enseigna comment tuer sans effusion de sang. Grâce à l’action des thugs fondateurs, devenus des étrangleurs experts, la terre fut bientôt délivrée de la race des démons (c'est-à-dire les dasyu, les hommes qui ne sont pas issus de l'Homme cosmique).
la secteLes thugs formaient une confrérie bien organisée d’assassins professionnels, qui, par groupes de 10 à 40, plus rarement 200 personnes, parcouraient l’Inde sous le costume d'honnêtes voyageurs et obtenaient la confiance des voyageurs des classes les plus aisées. Ils s’interdisaient de sacrifier certains de leurs contemporains dont le meurtre ne satisfaisait pas Kâlî. Parmi ceux-ci, on trouvait les femmes, les blessés, infirmes ou lépreux, les artistes tels que les danseurs, les poètes ou les musiciens, les saints hommes itinérants comme les sadhus ou les fakirs (leur équivalent musulman) et les pauvres gens, souvent de basse caste, comme les blanchisseurs, les balayeurs, les forgerons, les charpentiers et les presseurs d’huile. Les Sikhs étaient aussi, semble-t-il, tabous. Les enfants présents dans les caravanes attaquées devaient être adoptés par les Thugs et intégrés dans leur secte.
Les croyances des Thugs étaient un étrange mélange, mais ce ne fut pas le seul en Inde, et ils se recrutaient parmi les croyants des deux religions, hindous et bouddhistes. Cependant, ils rendaient un culte fervent et sans influence islamique à Kâlî. L'assassinat en vue d’un profit était, pour eux, un devoir religieux et était considéré comme une profession sainte et honorable, dans laquelle aucune considération morale n’entrait en jeu alors qu'ils utilisaient leur culte pour en fait attaquer l'impérialisme anglais d'une façon culturelle alors que la plupart n'en avait cure et n'utilisait ceci que dans un but financier.
La fraternité des Thugs utilisait une sorte d’argot appelé Râmasî ainsi qu’un ensemble de signes par lesquels ses membres se reconnaissaient, même s’ils étaient originaires de régions très distantes de l'Inde. Ceux dont l'âge ou les infirmités ne permettaient plus de prendre une partie active dans le meurtre rituel continuaient à participer comme observateurs ou espions. Cependant, du fait de leur organisation élaborée, du secret entretenu et de la sécurité assurée autour de leurs opérations et du prétexte religieux dans lequel ils enveloppaient leurs exactions, ils n’étaient pas identifiés comme des criminels et continuèrent durant des siècles à pratiquer leur métier d’assassins, sans susciter d'enquêtes de la part des râjas ou des nawâbs.
La culture populaire a pendant longtemps intégré les mystérieux Thugs de l'Inde que ce soit au cinéma, dans la littérature ou la bande dessinée. En effet, cette puissante secte a longtemps eu la réputation d'être un cercle de sorciers pratiquant la magie noire.
C'est au 19ème s alors que l'Inde est aux mains des Britanniques, que les agissements des Thugs sont portés à la connaissance du monde occidental. On parle de meurtres barbares et sanglants. Ces assassins utilisent un morceau de tissus à noeud coulant, le roomal pour étrangler leurs victimes.
Il faudra attendre 1853 et l'action du colonel Sleeman pour que cette terrifiante organisation soit anéantie. Organisation dont les membres n'hésitaient pas à s'étrangler eux-mêmes au moment d'être tués par l'ennemi.