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Accident de la navette spatiale ChallengerL’accident de la navette spatiale américaine Challenger est l'accident astronautique du 28 janvier 1986 qui se traduisit par la désintégration de la navette spatiale de la NASA Challenger 73 secondes après son décollage, provoquant la mort des sept astronautes de l'équipage de la mission STS-51-L. La défaillance d'un joint du propulseur d'appoint à poudre droit — adjacent au réservoir externe de la navette — en raison du froid, provoqua un départ de flammes. En quelques secondes, le feu endommagea le réservoir principal rempli d'hydrogène ; la structure céda sous la chaleur ; le dôme inférieur du réservoir se sépara et les forces aérodynamiques dévièrent la trajectoire de la navette entraînant sa destruction. Le poste d'équipage et de nombreux fragments de la navette furent retrouvés au fond de l'océan, lors des opérations de recherche menées au cours des mois suivants.
Cet accident a entraîné une interruption de 32 mois du programme de la navette et la formation de la Commission Rogers pour enquêter sur l'accident. Celle-ci a constaté que la culture d'entreprise de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) et les processus de décision avaient été l'un des principaux facteurs ayant conduit à l'accident. Les dirigeants de la NASA savaient que la conception du propulseur d'appoint à poudre par la société Morton Thiokol présentait une faille potentiellement catastrophique dans les joints toriques depuis 1977, mais ils n'ont pas su régler ce problème correctement. Ils n'ont pas davantage été attentifs aux avertissements des ingénieurs sur les dangers de lancer la navette un jour aussi froid, et n'avaient pas remonté de manière adéquate ces problèmes techniques à leurs supérieurs. La Commission Rogers a fait neuf recommandations à la NASA, à mettre en œuvre avant la reprise des vols de navette.
De nombreuses personnes, dont des écoliers, assistèrent en direct au lancement de la navette, du fait de la présence dans l'équipe d'astronautes de Christa McAuliffe, institutrice choisie par le projet « Teacher in Space ». La couverture médiatique de l'évènement fut considérable. Cette catastrophe suscita ensuite de nombreux débats quant à la sécurité technologique et les prises de décision, et inspira une adaptation à la télévision en 1990.
Avec l'accident de la navette spatiale Columbia durant la phase de rentrée atmosphérique de la mission STS-107 le 1er février 2003, cet accident est l'un des plus marquants de la conquête spatiale américaine.
Décollage et ascension initialeSix secondes et six dixièmes avant le décollage, les trois principaux moteurs de la navette spatiale (SSME) se sont mis en marche. Jusqu'à ce que le décollage s'effectue, les SSMEs peuvent être arrêtés en toute sécurité et le lancement peut être avorté si nécessaire. Au décollage (t = 0, soit 11:38:00.010 EST), les trois SSMEs étaient à 100 % de leur performance, et montaient à 104 % sous contrôle de l'ordinateur de bord. À ce moment, les deux propulseurs d'appoint à poudre (SRB) avaient été allumés et les attaches les maintenant au sol ont été libérées grâce à de l'explosif, libérant le véhicule de l'aire de lancement. Avec le premier mouvement vertical du véhicule, le bras à hydrogène gazeux se rétracta depuis le réservoir externe, mais n'a pu se replier complètement. Les films tournés par les caméras de l'aire de lancement ont montré que le bras n'a pas touché le véhicule, et donc il a été exclu comme facteur contribuant à l'accident6. L'inspection post-lancement de la plate-forme a aussi révélé que des ressorts des attaches au sol étaient absents, mais là encore, ceci a été écarté comme cause possible de l'accident.
L'examen ultérieur des films a montré qu'à t + 0,678, un panache de fumée sombre se dégageait du bas SRB droit, qui relie un propulseur d'appoint à poudre au réservoir externe : la dernière bouffée de fumée s'est produite à environ t + 2,733 ; la dernière vision de cette fumée eut lieu à t + 3,375. Il a été déterminé que ces bouffées de fumée ont été provoquées par l'ouverture et la fermeture du joint de la partie arrière du SRB droit. L'enveloppe extérieure présentait des signes de cloquage en raison des sollicitations de la mise en route. À la suite de ce ballonnement, les parties métalliques de la carcasse endommagée formèrent une brèche à travers laquelle des gaz chauds - plus de 2 760 °C - se sont échappés. Le premier joint torique a été conçu pour pallier cette déficience, mais il faisait trop froid pour qu'il joue son rôle dans le délai prévu. De son côté, le joint torique secondaire n'était pas dans sa position normale en raison de la déformation du métal. Il n'y eut donc aucune barrière aux gaz, et les deux joints toriques ont été détruits dans un arc de 70 degrés. Cependant, l'alumine brûlée du propergol solide obstrua la brèche, remplaçant provisoirement le joint torique jusqu'à ce qu'une flamme ne survienne.
Quand le véhicule quitta la tour, le SSMEs fonctionnait à 104 % de sa puissance maximale nominale, et le contrôle fut transmis du centre de contrôle du décollage (LCC) du centre spatial Kennedy au centre de contrôle de mission (MCC) de Houston au Texas. Pour éviter que les forces aérodynamiques ne séparent la navette des moteurs, à t + 28 les SSMEs ont commencé à décélérer pour limiter la vitesse de la navette dans la dense basse atmosphère. À t + 35,379, les SSMEs furent en dessous des 65 % prévus. Cinq secondes plus tard, à environ 5 800 mètres (19 000 pieds), Challenger a dépassé Mach 1. À t + 51,860, les SSMEs sont revenus à 104 % alors que le véhicule approchait Max Q, le moment de pression aérodynamique maximale
Panache de fumée puis flammesComme la navette s'approchait de « max Q », la pression devint intense en raison du cisaillement du vent.
À t + 58,788, une caméra de contrôle a enregistré un échappement de fumée à proximité du joint arrière du SRB droit, mais ce fut ignoré de l'équipage de Challenger et des techniciens à Houston. Du gaz brûlant a alors commencé à fuir par une ouverture d'un joint continuant à s'agrandir, pendant que la force du cisaillement du vent brisait le dépôt d'alumine qui avait refermé le trou en lieu et place du joint torique déficient ; sans ce vent, l'alumine aurait presque certainement tenu tout au long du décollage jusqu'à l'épuisement du booster.
Rapidement le panache de fumée est devenu considérable ; la pression interne du SRB droit a commencé à baisser à la suite de l'élargissement de l'ouverture, et à t + 60,238 il y avait des preuves visuelles de la flamme au travers du joint.
À t + 64,660, le panache de fumée a subitement changé de forme, signe d'une fuite de dihydrogène liquide (LH2), dans la partie arrière du réservoir externe. Les tuyères des moteurs principaux pivotèrent sous le contrôle de l'ordinateur de bord pour compenser le déséquilibre de la trajectoire causée par la fuite du booster. La pression dans le réservoir externe de LH2 a commencé à baisser à t + 66,764, traduisant les effets de la fuite.
À ce stade, la situation apparaissait toujours normale à la fois pour les astronautes et pour les contrôleurs de vol. À t + 68, le Capsule Communicator (CAPCOM) chargé de la communication avec l'équipage informa celui-ci qu'ils allaient « Plein gaz » et le commandant Dick Scobee a confirmé le message par « Compris, plein gaz ». Ce fut le dernier message émis par Challenger.
Destruction de la fuséeÀ t + 72,284, le propulseur d'appoint à poudre droit s'est, semble-t-il, détaché du pylône de liaison au réservoir principal : une analyse des données de télémétrie a montré une soudaine accélération latérale à droite, à t + 72,525, qui a pu être ressentie par l'équipage. La dernière déclaration de l'équipage enregistrée à bord fut juste une demi-seconde après cette accélération lorsque le pilote Michael J. Smith a dit : « Oh oh »8. Smith a peut-être également réagi à des indications sur les performances du moteur principal ou à la baisse de pression du réservoir extérieur.
À t + 73,124, le dôme arrière du réservoir d'hydrogène s'est détaché et a été propulsé sur l'avant du réservoir d'oxygène. Au même moment, le propulseur d'appoint à poudre droit a pivoté autour du pylône avant et a percuté la structure inter-réservoir.
La destruction de la fusée a commencé à t + 73,162 secondes et à une altitude de 14,6 km (48 000 pieds)9. Le réservoir externe se désintégrant, Challenger a viré depuis son attitude correcte par rapport au flux d'air local, et a été immédiatement désintégrée par les forces aérodynamiques qui se sont appliquées par un facteur de charge d'environ 20 g, bien au-delà des 5 gque pouvait supporter la navette. Les deux propulseurs d'appoint à poudre, capables de supporter des charges aérodynamiques bien supérieures, se sont séparés du réservoir externe, et ont continué à voler pendant environ 37 secondes. L'enveloppe des propulseurs d'appoint à poudre est faite d'acier de 12,7 mm d'épaisseur, ce qui les rend largement plus solides que la navette elle-même et les réservoirs externes. Ainsi, les deux propulseurs d'appoint à poudre ont survécu à la désintégration, malgré les dégâts occasionnés sur le propulseur droit par la fusion du joint
Réactions du contrôle au soles écrans de télévision ont montré un nuage de fumée et de vapeur à l'emplacement attendu de Challenger, ainsi que des débris tombant vers l'océan. À environ t + 89, le directeur de vol Jay Greene (en) demanda des informations à l'ingénieur chargé de la dynamique de vol ; celui-ci répondit que « […] le radar montre plusieurs sources distinctes », preuve supplémentaire que Challenger était disloquée en plusieurs morceaux. Le contrôleur au sol a signalé « Aucun contact. Perte de liaison au sol ». En effet, plus de transmission des données de la navette, radio et télémétrie. Greene a ordonné à son équipe de « regarder leurs données avec soin » et de rechercher un signe de la navette.
À t + 110,250, le Range Safety Officer (en) (RSO) à Cape Canaveral Air Force Station envoya un signal radio déclenchant le système de destruction des deux boosters. Il s'agissait d'une procédure normale, l'officier jugeant la retombée libre des boosters comme une menace possible. Un même signal aurait détruit le réservoir extérieur s'il n'avait pas été déjà désintégré.
« Les contrôleurs de vols analysent soigneusement la situation » a indiqué le porte-parole Steve Nesbitt. « D'évidence, un dysfonctionnement majeur. Nous n'avons pas de liaison au sol. » Après une pause, Nesbitt précisa : « Nous avons un rapport du responsable de la dynamique de vol indiquant que le véhicule a explosé ».
Greene a mis en place les procédures d'urgence au centre de contrôle de la mission. Ces procédures comprenaient le verrouillage des portes du centre de contrôle, la coupure des communications téléphoniques avec le monde extérieur et une liste de contrôle servant à s'assurer que les données utiles ont été correctement enregistrées et préservées.
« Explosion » apparenteContrairement à la déclaration initiale du responsable de la dynamique de vol, la navette et le réservoir externe n'ont pas « explosé ». Plutôt, ils se sont rapidement désintégrés à cause des énormes forces aérodynamiques, puisque la navette avait passé « Max Q », la pression aérodynamique maximum. Lorsque le réservoir externe s'est désintégré, le carburant et comburant qui y étaient stockés ont été lâchés, produisant en apparence une énorme boule de feu.
Toutefois, selon l'équipe de la NASA qui a analysé l'imagerie après l'accident, il y eut seulement des « combustions localisées » de propergol. En revanche, le nuage visible était composé principalement de la vapeur et des gaz résultant de la libération de l'oxygène liquide de la navette et de l'hydrogène liquide. Stockés dans des conditions très froides, l'hydrogène liquide ne pouvait pas s'enflammer rapidement pour déclencher une « explosion » dans le sens traditionnel d'une détonation (par opposition à une déflagration, qui fut ici le cas). S'il y avait eu une véritable explosion, toute la navette aurait été détruite instantanément, tuant l'équipage à ce moment-là. L'habitacle de la navette et les boosters, plus résistants, ont résisté à l'éclatement du véhicule de lancement, et les booster ont ensuite explosé à distance, l'habitacle continuant sur la trajectoire, et a été observé sortant du nuage de gaz à t + 75,2377. Vingt-cinq secondes après l'éclatement du véhicule, la trajectoire du compartiment de l'équipage a culminé à une altitude de 19,8 km (65 000 pieds), la rupture s'étant produite à seulement 14,6 km (48 000 pieds)
Cause et heure des décèsDurant la désintégration de la navette, l'habitacle - très robuste - s'est détaché d'un seul bloc, et a chuté. La NASA a estimé la force de séparation à environ douze à vingt fois la force de gravité. En moins de deux secondes, ces forces étaient déjà passées en dessous de 4 g, et en moins de dix secondes la cabine était en chute libre. Ces forces étaient vraisemblablement insuffisantes pour causer des lésions sérieuses.
Les astronautes semblaient encore en vie et conscients après la séparation de la navette, car trois des quatre dispositifs PEAP du poste de pilotage avaient été activés. Les enquêteurs ont estimé, en mesurant la quantité d'air non consommé, que les PEAPs ont été utilisés durant les 2 min 45 s de vol ayant suivi l'explosion. On ne sait pas si les astronautes sont restés conscients pendant l'accident, ni si la pression s'est maintenue longtemps dans l'habitacle ; en effet, en état de dépressurisation, on ne peut rester conscient à cette altitude que pendant quelques secondes.
L'habitacle a percuté la surface de l'océan à environ 334 km/h (207 mi/h), provoquant une décélération instantanée de plus de 200 g, bien au-delà de la résistance de la structure du cockpit et de celle d'un corps humain ; l'équipage était donc décédé dans tous les cas en touchant l'océan.
Le 28 juillet 1986, l'ancien astronaute et amiral Richard H. Truly, administrateur associé à la NASA pour les vols spatiaux, a publié un rapport de Joseph Kerwin, spécialiste biomédical du Lyndon B. Johnson Space Center de Houston, portant sur la mort des astronautes dans l'accident. Le Dr. Kerwin, vétéran de la mission Skylab 2, a été chargé de réaliser cette étude peu après l'accident. Selon son rapport9 :
« Les résultats ne sont pas concluants. L'impact de l'habitacle de l'équipage à la surface de l'océan a été si violent que des preuves de dommages survenus dans les secondes qui ont suivi l'explosion ont été masquées. Nos conclusions sont les suivantes :
La cause de la mort des astronautes de Challenger ne peut être déterminée avec précision ;
Les forces auxquelles l'équipage a été soumis pendant l'éclatement de l'orbiteur n'étaient probablement pas suffisantes pour causer la mort ou des lésions graves ;
L'équipage a peut-être, mais cela reste une possibilité sans assurance, perdu conscience dans les secondes suivant la rupture à cause de la perte de la pression dans le module de l'équipage ».
Absence de systèmes de surviePendant l'ascension de la navette spatiale, l'équipage n'a pas la possibilité de quitter la navette. Alors que des systèmes d'évacuation ont été examinés à plusieurs reprises au cours du développement de la navette spatiale américaine, la NASA a conclu que la haute fiabilité attendue de la navette permettrait d'éviter d'en avoir besoin. Des sièges éjectables inspirés par ceux du Lockheed SR-71 Blackbird et des combinaisons pressurisées ont été utilisés sur les quatre premières missions de la navette en orbite, missions qui étaient considérées comme des essais en vol, mais ils ont été supprimés pour les missions opérationnelles qui ont suivi. Un système d'évacuation pour de grands équipages a été jugé indésirable dû à « une utilité limitée, la complexité technique et des coûts excessifs en dollars, poids et retards ».
Après la perte de Challenger, la question est revenue à l'ordre du jour, et la NASA a examiné plusieurs options, y compris les sièges éjectables, des fusées d'éjection ainsi qu'une évacuation par l'arrière de l'orbiteur. Toutefois, la NASA a de nouveau conclu que tous les systèmes de survie considérés seraient irréalisables en raison de la modification radicale du véhicule qui aurait été nécessaire et de la limitation de la taille des équipages. Un système a été conçu pour donner à l'équipage la possibilité de quitter la navette pendant le vol plané d'atterrissage, mais ce système n'aurait pas été utilisable dans le cas de la perte de Challenger.
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