Il y a un siècle, on a décrit des faits étranges dans un moulin auvergnat : des filles traînées au sol par une force invisible, des meubles qui se déplaçaient tout seuls…
Novembre 1902, à Saint-Front en Haute-Loire. Il est quinze heures, trois agriculteurs s’enfoncent dans la neige en revenant du marché de Laussonne. Soudain, des pleurs et des cris de terreur résonnent au-dessus des gorges de l’Aubépin, la rivière locale.
Les plaintes viennent du moulin d’Etienne Joubert, seule habitation dans ce paysage sauvage. Les trois hommes se précipitent. Marie, la femme du meunier, se trouve sur le seuil, affolée. « Au secours ! » crie-t-elle. Derrière elle, dans la cuisine, se produit un spectacle hallucinant, selon les trois agriculteurs qui le raconteront à la presse.
Forces invisibles
Les deux filles du meunier – l’une a 12 ans, l’autre 14 – hurlent au milieu d’une terrible agitation, les yeux révulsés : elles semblent projetées et traînées au sol par une force invisible. « Quelqu’un nous pousse ! » Autour d’elles, la vaisselle « vole en éclats, les meubles se renversent » comme par magie. Dans l’étable voisine, les vaches meuglent et se débattent, étrangement recouvertes par des draps blancs.
Masson, l’un des agriculteurs, a toutes les peines à maîtriser l’une des filles, qui lui échappe des bras. Un sabot de l’adolescente est projeté contre une fenêtre et brise un carreau. L’instant d’après, une autre vitre se fracasse, touchée par une pierre qui vient cette fois de l’extérieur. Masson ramasse le projectile : il est « brûlant ». Pour seules explications, la femme du meunier susurre, terrifiée : « C’est la Marie ». Marie Exbrayat, la vraie mère des deux filles, morte huit ans plus tôt. L’une des adolescentes affirme qu’elle a vu son fantôme, la veille.
Des pas dans le grenier
Le moulin, hanté ? L’affaire fait le tour de la région. Les jours suivants, on compte une centaine de badauds qui osent dormir à côté de la bâtisse pour assister à ces phénomènes. Mais ils doivent s’enfuir sous la pluie d’objets qui leur tombent dessus pendant trois jours : pierres, sabots, savon…
En décembre, on appelle à l’aide un prêtre exorciste mais rien n’y fait. Au réveillon, les fillettes sont de nouveau tirées par des « forces invisibles ». Les bougies s’éteignent toutes seules. On croit entendre des bruits de pas dans le grenier qui, demeure pourtant vide chaque fois qu’on ouvre sa porte.
Le moulin retrouve sa tranquillité en 1903. Précisément, lorsque les deux fillettes quittent la région, sous les regards accusateurs. On les appelle alors… les filles du diable ! Elles rejoignent Paris où elles finiront leur vie.
Superstition
La réputation du moulin demeure encore ancrée dans la mémoire collective. Même s’il n’en reste que des ruines aujourd’hui. Il n’y a même plus de chemin pour s’y rendre. Son propriétaire actuel ne connaissait pas la légende : il l’a apprise seulement après la signature du contrat… Et dans les années 80, la superstition a refait surface lorsqu’un moniteur d’escalade a été blessé sur le site, après qu’une pierre lui soit tombée sur la tête.
Les théories pour expliquer ce mystère ne manquent pas. Au-delà du paranormal, certains habitants ont accusé le meunier lui-même : il aurait été un joueur de cartes criblé de dettes à qui on demandait de vendre son moulin. Le poltergeist lui aurait alors permis de rendre sa demeure invendable…
Il reste une autre piste : celle des fillettes. Car pour la plupart des scientifiques, derrière les histoires de maisons hantées, il y a souvent des canulars montés par des adolescent(e)s perturbé(e)s qui cherchent à attirer l’attention. C’est la théorie de la « vilaine petite fille » formulée au XIXe siècle par Franck Podmore, membre de la Société Britannique Psychique Anglaise.
Peut-être, alors, le moulin diabolique n’était-il qu’un endroit où deux enfants souffraient avec fracas et fureur parce qu’elles avaient perdu leur mère.
(Source : La Montagne)