La catastrophe de Bhopal est survenue dans la nuit du 3 décembre 1984. Elle est la conséquence de l'explosion d'une usine d'une filiale de la firme américaine Union Carbide produisant des pesticides et qui a dégagé 40 tonnes d'isocyanate de méthyle (CH3-N=C=O) dans l'atmosphère de la ville.
Cet accident industriel tua officiellement 3 828 personnes, ce bilan ayant été revu en 1989 à 3 598 morts puis à 7 575 en 19951. Il fit en fait entre 20 0001 et 25 000 décès selon les associations de victimes. Il y aurait eu 3 500 morts la première nuit et un grand nombre par la suite : la moitié dans les premières semaines et l'autre moitié de maladies provoquées par l'exposition aux gaz. Dans un article de 2010 du Washington Post consacré aux catastrophes industrielles et notamment la marée noire imputée à BP dans le Golfe du Mexique, le journaliste Paul Farhi évoque un bilan d'« au moins 12 000 personnes » pour la catastrophe de Bhopal. On dénombre par ailleurs 300 000 malades à cause de la catastrophe.
Le PDG de l'époque de l'entreprise, Warren Anderson, est accusé de « mort par négligence » pour cette catastrophe et déclaré fugitif par le chef judiciaire de Bhopal le 1er février 1992 pour ne pas s'être présenté à la Cour lors d'un procès. Il vivrait actuellement paisiblement à Long Island dans l'État de New York.
Premier incidentLe premier incident significatif a lieu le 21 octobre 1984, vers 22h : les opérateurs échouent dans leur tentative d'accroître la pression dans le réservoir 610 pour en extraire le MIC qui y est stocké.
Nuit du dimanche 2 au lundi 3 décembre 1984L'usine est alors partiellement fermée et tourne au ralenti avec des effectifs encore plus réduits que de coutume.
21 h 15 : Un opérateur de MIC et son contremaître procèdent au lavage d'un tuyau à grande eau. Ce tuyau communique avec le silo 610 ; il semble que la vanne soit restée ouverte, contrairement aux consignes de sécurité. L'eau va donc couler pendant plus de 3 heures et environ mille litres d'eau vont se déverser dans le réservoir.
22 h 20 : Le réservoir 610 est rempli de MIC à 70 % de sa capacité (il contient exactement 11 290 gallons, soit environ 42 740 litres. On y mesure une pression intérieure de 2 psi (1 psi = 0,068 94 bar), valeur considérée comme normale (la pression admissible est comprise entre 2 et 25 psi.)
22 h 45 : La nouvelle équipe de nuit prend la relève.
23 h 00 : Un contrôleur note que la pression du réservoir 610 est de 10 psi, soit cinq fois plus qu'à peine une heure auparavant. Habitué aux dysfonctionnements d'appareils de contrôle, il n'en tient pas compte. Des employés ressentent des picotements des yeux et signalent aussi une petite fuite de MIC près de ce réservoir. De tels faits étant fréquents dans l'usine, on n'y prête pas d'attention particulière.
23 h 30 : La fuite est localisée et le contrôleur est prévenu. Celui-ci décide qu'il s'en occupera à minuit et quart, après sa pause.
00 h 15 : La pression intérieure du réservoir 610 dépasse la limite admissible : elle atteint 30 psi et semble continuer à augmenter.
00 h 30 : La pression atteint 55 psi. Le contrôleur, bravant les instructions reçues de ne pas déranger inutilement son chef de service, se décide enfin à lui téléphoner pour le prévenir. Il sort ensuite pour aller observer l'état du réservoir, qui tremble et dégage de la chaleur. Le couvercle en béton du réservoir se fend, puis la valve de sécurité explose, laissant échapper un nuage mortel.
01 h 00 : Le chef de service arrive, constate rapidement les fuites de gaz toxiques du réservoir 610 et fait sonner l'alarme.
02 h 30 : On réussit à fermer la valve de sécurité du silo 610.
03 h 00 : Le directeur de l'usine arrive et donne l'ordre de prévenir la police, ce qui n'avait pas été fait jusqu'alors, car la politique officieuse de l'usine était de ne jamais impliquer les autorités locales dans les petits problèmes de fonctionnement. Carbide observait la même politique aux USA.
Un nuage toxique se répand sur une étendue de vingt-cinq kilomètres carrés. La majeure partie de la population dort ou ne réagit pas au signal d'alarme. Les ouvriers de l'usine, conscients du danger, s'enfuient sans utiliser les quatre autobus garés dans la cour. Il est difficile de prévenir les autorités car les lignes téléphoniques de l'usine fonctionnent mal.
La panique s'étend à toute la ville et, dans la plus totale incompréhension, des centaines de milliers de personnes sont prises au piège, errant dans les ruelles étroites du bidonville, cherchant des secours qui tarderont à se mettre en place. Le gaz attaque d'abord les yeux, entraînant une cécité, provisoire dans les cas favorables, avant de s'engouffrer dans les poumons pour provoquer de graves insuffisances respiratoires. Les trois cent cinquante médecins de la ville qui peu à peu se mobilisent perdent du temps à comprendre ce qui se passe car aucun d'entre eux n'a été informé sur la nature exacte du MIC et des dangers qu'il présente.
Le gouvernement du Madhya Pradesh a établi le détail du bilan humain :
3 828 morts (identifiés)
40 incapacités totales définitives
2 680 incapacités partielles définitives
1 313 incapacités partielles temporaires avec invalidité définitive
7 172 incapacités partielles temporaires avec invalidité temporaire
18 922 invalidités définitives sans incapacité
173 382 invalidités temporaires sans incapacité
155 203 blessures temporaires sans invalidité
Soit, au total, 362 540 victimes à des degrés divers. Ne seront déposées que 80 000 demandes d'indemnisation auprès des autorités indiennes.
Dès le 4 décembre, Warren Anderson, PDG d'Union Carbide, part inspecter les lieux avec une équipe d'experts pour essayer de faire la lumière sur le drame. Il est arrêté et emprisonné puis finalement expulsé. Ce n'est que le 20 décembre que les autorités laisseront venir la commission d'enquête sur les lieux. Dès le 6 décembre, l'usine a été fermée et on a entrepris son démantèlement. Autour du 13 décembre, les habitants de la ville ont commencé à fuir en masse, bien souvent sans destination précise, car il a fallu remettre en marche l'usine afin de détruire les stocks de gaz restants.
Union Carbide est installé en Inde depuis la fin des années 1970 pour profiter de la « révolution verte » indienne. En effet, entre 1966 et 1971, le pays triple sa consommation d'engrais. Union Carbide construit alors sur le territoire indien une usine ultra sophistiquée pour fabriquer du Sevin (nom commercial du carbaryl), un pesticide destiné à éliminer un nombre important de parasites. La production débute le 4 mai 1980. Pour fabriquer le Sevin, Union Carbide utilise de l'isocyanate de méthyle (MIC) qu’elle importe des États-Unis. Ce produit est connu pour être particulièrement instable. Notamment, une fois au contact de l'eau il produit de la chaleur. De ce fait, il est primordial de le maintenir en permanence à une température proche de 0 °C.