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Voici un aperçu de la vie que mènent les sorcières de Salem de nos jours.A Salem, aux Etats-Unis, à deux pas de Boston, les sorcières étaient-elles reines ? Elles sont sept cents à Salem, toutes membres de la ligue des sorcières défendant « la dignité et les droits civiques des six millions de sorcières, païennes et panthéistes du monde entier».
Laurie Cabot, cinquante-cinq ans, a reçu en 1978 son titre de «Sorcière officielle de Salem» des mains de Michael Dukakis, gouverneur du Massachusetts. Du folklore ? Un attrape-touristes ? En tout cas, on vient consulter Laurie de partout. Ses philtres d'amour sont très réputés, elle retrouve les objets perdus, aide la police, soigne les malades, et puis, elle a un look d'enfer... L'insigne de la police de Salem représente une sorcière volant sur son balai.
Ici, les habitants ont pris soin de conserver les maisons anciennes. Fondée le 24 juillet 1626, Salem - nom qui signifie shalom, c'est-à-dire «paix» en hébreu - porte décidément mal son nom. Ce fut surtout la capitale de l'intolérance religieuse, puisque, en 1692, les puritains commencent à accuser des femmes de leur apparaître sous forme de spectres, c'est-à-dire de sorcières. C'est la «spectral evidence», la preuve par le spectre. Pour se défendre, elles doivent... prouver que l'accusation est fausse ! C'est ainsi que dix-neuf malheureuses sont jugées et condamnées à mort par pendaison. Jusqu'à ce qu'un juge étranger à la ville demande qu'une autre preuve soit apportée... et sauve les deux cents femmes emprisonnées dans l'attente de leur jugement !
Pensez-vous que les sorcières aient fui la ville pour si peu ? Bien au contraire ! Aujourd'hui, on n’en dénombre pas moins de sept cents à Salem, selon les sorcières elles-mêmes, pour une population d'à peine 40 000 habitants. Et que font-elles ? Plutôt que de s'adonner au mal et de chevaucher leur balai, elles préfèrent se réunir bien gentiment sous l'égide de la Ligue anti-diffamation des sorcières. Dignes femmes au foyer, informaticiennes ou secrétaires dans les entreprises de pointe de la périphérie de Boston, elles s'adonnent à la sorcellerie à leurs heures perdues, comme d'autres au point de croix. Leur organisation, qui se glorifie de six millions d'adhérentes en Amérique du Nord, avoue diriger dix branches à travers le monde. Une internationale des sorcières, en quelque sorte.
À sa tête, Mme Laurie Cabot, la cinquantaine, Grande Sorcière officielle de Salem, fondatrice de la Ligue et nommée par le gouverneur de l'État, Michael Dukakis lui-même. Lorsqu'on désire la rencontrer, il faut déposer sa demande auprès de son agent à New York, comme pour n'importe quelle star du show-business. Une démarche d'autant plus frustrante que cet agent vous répond qu'elle est débordée de travail pour les six mois à venir. Entre les consultations personnelles, les séminaires et les cours à l'université, elle n'a pas une minute à elle.
Il faut donc s'armer de courage et tirer la chevillette de sa chaumière de Daniel Street, qui date de 1783. Laurie Cabot ouvre elle-même la porte. Vêtue d'une ample robe noire, les cheveux ébouriffés et le teint cadavérique de circonstance, elle a un look d'enfer. Elle est très occupée, mais elle veut bien parler le temps qu'il faudra de la sorcellerie. Et d'elle. Elle jure d'emblée ses grands diables qu'elle n'a rien à voir avec Satan. Elle se déguise, c'est vrai, mais pour bien montrer à tous ses voisins qu'ils doivent accepter les sorcières telles qu'elles sont. C'est aussi cela qu'elle enseigne dans ses cours. «Je suis connue dans le monde entier par le bouche à oreille, surtout pour mes philtres d'amour. On vient parfois d'Australie pour m'écouter», avoue-t-elle. Elle aide aussi, moyennant finances, tous ceux qui désirent être compris ou rassurés.
Si être sorcière est un métier, Salem est sans doute la ville du monde où le balai rapporte le plus d'argent. Est-il utile de préciser que les affaires vont bon train ? La sorcellerie est avant tout une gigantesque entreprise publicitaire et touristique. En un mot, commerciale. Comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, Laurie Cabot a placé sa propre fille à la tête de son magasin de sorcellerie et sa meilleure amie, responsable des relations publiques à la chambre de commerce de la ville, se charge de faire sa publicité. D'ailleurs, les sorcières de Salem sont toutes inscrites au registre du commerce!