LE MYSTICISME NAZI
Le mysticisme nazi (ou ésotérisme nazi) recouvre l'ensemble des doctrines fleurissant en Allemagne avant, pendant et après le régime nazi et mêlant le pangermanisme et l'aryanisme à des doctrines ésotériques. Elles s'inspirent de théories développées en Allemagne à partir du début du XIXe siècle.
Ce courant quasi religieux consiste en la combinaison du pangermanisme et du racisme allemand avec l'occultisme, l'ésotérisme et le paranormal en une philosophie de l'histoire qui est un messianisme sécularisé. Le nazisme se veut non seulement une idéologie politique mais aussi une vision globale du monde.
L'établissement du lien entre ésotérisme et nazisme peut se faire sur plusieurs plans :
celui de l'histoire, bien que ces aspects idéologiques soient considérés comme secondaires par rapport aux aspects politiques du nazisme ;
celui de la religion et de l'histoire des mouvements religieux, en particulier pour savoir si le nazisme participe ou s'oppose au christianisme;
celui des arts et de la littérature, dans la mesure où le mélange du nazisme et de l'ésotérisme a une forte charge émotionnelle (fascination du mal, goût du mystère révélé, goût pour le paranormal) et un fort potentiel romanesque dont les thèmes servent couramment de base à des œuvres de fiction.
Une grande partie de la littérature concernant les liens entre occultisme ou mysticisme et idéologie national-socialiste tient ainsi le plus souvent de la littérature à sensation sans bases historiques sérieuses, genre littéraire qui a connu un succès éditorial important depuis Le Matin des magiciens de Louis Pauwels et Jacques Bergier (1960).
Histoire
Le mysticisme nazi est un mouvement initiatique völkisch qui plonge ses racines tant dans les doctrines de la Société Thulé et de la Société théosophique que dans les idées d'Arthur de Gobineau. Guido von List et Jörg Lanz von Liebenfels en furent d’importantes figures précoces, et des événements signifiants après la Seconde Guerre mondiale furent la fondation de l'en:Artgemeinschaft par en:Jürgen Rieger et celle de l’de:Armanen-Orden en 1976 par Adolf Schleipfer. Daniel Gasman montre l'influence qu'exerça le monisme d'Ernst Haeckel sur le nazisme.
Selon certains[Qui ?], Hitler lui-même semble avoir porté un certain intérêt pour l'occultisme nazi. Pour d'autres, Hitler n’avait que mépris pour les occultistes et préférait l’activisme politique auprès des masses. Cependant, les théories occultistes vont directement et fortement influencer le cercle intérieur des idéologues nazis. En particulier, Heinrich Himmler et la SS, Alfred Rosenberg (le « philosophe » officiel du nazisme), Rudolf Hess (dauphin d'Hitler avant sa fuite de 1941), Richard Walther Darré (théoricien du nazisme rural), sont connus pour s’être intéressés au mysticisme et au paranormal[réf. nécessaire].
L’hitlérisme ésotérique est centré sur les mythologies « païennes » (nordique notamment) pré-chrétiennes, et l'inclusion d'une figure mythifiée d'Adolf Hitler dans l'écheveau de ces mythologies.
Le rôle joué par le mysticisme dans le développement du nazisme et ses idéaux fut identifié par des étrangers au moins dès 1940, avec la publication des Occult Causes of the Present War (« Causes Occultes de la Guerre Actuelle ») de Lewis Spence. À ce propos, Spence identifia précisément un sous-courant païen dans le nazisme (qu’il imputait en grande partie à Alfred Rosenberg), bien que certaines de ses autres conclusions - telles que la connexion du nazisme avec les Illuminati, et automatiquement l’assimilation du paganisme au « satanisme » - soient peut-être moins crédibles.
Croyances centrales
Des thèmes comme l’origine de la race aryenne, les Teutons en général, et les peuples germaniques en particulier, ainsi que la présumée supériorité des soi-disant Aryens sur les autres races, et ce que ces derniers prétendaient au sujet de leurs racines, sont autant de concepts clés.
Diverses localisations, tel que l’Atlantide, Thulé, l’Hyperborée, Shambhala et d’autres sont suggérées comme le foyer de la société originelle des surhommes.
Une autre croyance clé est que cette Herrenrasse (race supérieure) a été affaiblie par le métissage avec ce qu’ils voient comme des untermensch ou races inférieures.
Les racines occultistes du nazisme
Une floraison de théories et organisations mêlant occultisme et racisme germanique "aryen" ont préparé la voie au nazisme au début du XXe siècle. Les théories développées seront au cœur de l'idéologie nazie, en particulier chez Alfred Rosenberg (le "philosophe" du parti) et Himmler et la SS.
La Société de Thulé (1918-1925)
Thulé était un nom mythique issu de l'Antiquité grecque, désignant une île du grand nord habitée, selon la légende, par le peuple des Hyperboréens. Le terme réapparut en Allemagne, notamment au XVIIIe siècle dans des poèmes de Goethe, et fut récupéré autour de 1900 par la foisonnante nébuleuse völkisch, qui mêlait pangermanisme et foi en la suprématie aryenne. Thulé était pour eux une sorte d'Atlantide du Nord, et ses habitants un peuple supérieur dont les descendants auraient été les Aryens7.
En 1915, Hermann Pohl fut rejoint par Rudolf Glauer. Glauer, aussi connu sous le nom de Rudolf von Sebottendorf, vint en Allemagne avec un passeport turc et était un adepte de la méditation soufie et de l’astrologie. Glauer est connu pour avoir été un admirateur du pangermaniste Guido von List et du farouchement antisémite Lanz von Liebenfels (admirateur de Emanuel Swedenborg et de Jakob Lorber). Glauer était un homme riche (la source de cette fortune est inconnue) et il devint en 1918 le grand maître de la branche bavaroise du Germanenorden (inspiré par l'armanisme de Guido List), qu'il transforma la même année en Société Thulé avec l’aval de Pohl.
C’est la Société de Thulé qui préside en 1919 à la formation du Parti ouvrier allemand DAP, le parti nazi. La société de Thulé sera la pépinière de plusieurs futurs chefs du mouvement puis du régime nazi (Ian Kershaw cite notamment Gottfried Feder, Karl Harrer, Hans Frank et Rudolf Hess8. Si un certain nombre des adeptes de la Société Thulé étaient des membres hauts placés du Parti nazi, Hitler lui-même n'en devint jamais membre. Toutefois, c'est un membre de la Société Thulé, le dentiste Dr Friedrich Krohn, qui choisit le symbole du svastika pour le Parti nazi.
Mais derrière ce nom mystique, la Société de Thulé n’avait à peu près rien d’une organisation occulte. Elle s'apparentait davantage à un groupe militant d’extrême droite7. Ses membres (environ 200), explique le politologue Stéphane François, préféraient tenir des conférences et lutter contre les communistes plutôt que de pratiquer des rituels magiques : « Dans les faits, c’était moins une société secrète ou ésotérique qu’un groupe paramilitaire né dans le chaos de la fin de la Grande Guerre, antirépublicain, antisémite, anticommuniste et plutôt composé d’aristocrates, comme il y en avait beaucoup dans l’Allemagne de l’époque. Certains membres avaient certes un attrait pour l’ésotérisme völkisch [...] Mais cela relevait du folklore, et n’avait rien d’exceptionnel dans ce genre de milieu. »
Les organisations de Gorsleben (années 1920)
Rudolf John Gorsleben (mort en 1930) était membre de la Société de Thulé, de la Société ariosophique (1928) et de l’Ordre du nouveau temple (Ordo novi templi). Il était aussi responsable du grand rival du parti nazi en Allemagne du sud, le Deutsch Völkiser S&T. Il promeut les idées d’aryo-christianisme.
Rudolf John Gorselben va fonder :
Le journal Liberté allemande (1920), auquel a participé l’anthropologue raciste Hans Günther.
La Société Edda ou Eddagesellschaft (1925) et son journal Hagal qui fait la promotion d’une religion arienne, de la mythologie païenne, de l’astrologie et de l’occultisme. Parmi les membres de la Société Edda se trouve l’épouse du général Ludendorff. La Société Edda est également proche du groupe occultiste de Karl Maria Wiligut (1866-1946), qui avait développé sa propre théorie occulto-raciste et influencera Himmler.
L'ésotérisme et le régime nazi
Hitler et l'occultisme
L'avis des historiens
Si Adolf Hitler a globalement eu une attitude relativement prudente, voire distante, avec les théories occultistes, il allégua cependant avoir vécu un « éveil spirituel » sur le front pendant la Première Guerre mondiale, en particulier lorsqu’il fut temporairement rendu aveugle par une attaque ennemie au gaz[réf. nécessaire].
L'historien américain Richard Weikart (California State university) synthétise en 2001 la position de plusieurs historiens de référence concernant l'attitude de Hitler face à l'occultisme. Selon Weikart, « Hitler avait peu ou pas d'intérêt pour les enseignements ou expériences mystiques et surnaturels. En privé, il méprisait les tentatives de Himmler de faire revivre les anciens rites païens allemands. Alan Bullock, dans l'une des meilleures biographies savantes d'Hitler précédant celle de Kershaw, est probablement proche de la vérité en qualifiant Hitler de matérialiste qui repoussait toute croyance en quelque chose de surnaturel, en dépit de sa vague rhétorique sur la Providence. »9.
L'idée d'un Hitler occultiste vient en partie des conversations prêtées à Hitler par Hermann Rauschning et publiés en 1939 (Hermann Rauschning, Hitler Speaks, London, 1939). Les écrits de Rauschning ont été très critiqués par les historiens qui estiment impossible de démêler le faux du vrai.
L'occultisme au sein du régime nazi
La SS
Himmler et les rites SS
Heinrich Himmler, en 1942.
Le fondateur de l’hitlérisme ésotérique fut Heinrich Himmler, qui était fasciné plus que n’importe quel autre officiel du Troisième Reich (dont Hitler) par le racialisme aryen (et pas seulement germanique) et par l’Odinisme germanique[réf. nécessaire]. Himmler a prétendu s’être considéré lui-même comme le successeur spirituel ou même la réincarnation de Heinrich (ou Henri) Ier dit l’Oiseleur, duc de Saxe et roi germanique au Xe siècle. Il mit au point des rites SS en l’honneur du vieux roi et rapporta les ossements de ce dernier dans la crypte de la cathédrale de Quedlinburg. Himmler eut même ses quartiers personnels aménagés au château de Wewelsburg, décoré en l’honneur de celui-ci.