La légende veut que les bretons vivant au bord des côtes provoquaient le naufrage de navires pour pouvoir les piller. Derrière le mythe se cache une réalité : le droit de bris était non seulement un fait social particulièrement ancré, mais également un élément essentiel pour l'économie de zones habitées particulièrement pauvres.
Le droit de bris
Il existe, en droit maritime, une règle appelé du "droit de bris", ou droit de lagan ("pensé", à Ouessant). En cas de naufrage, tous les débris appartiennent au seigneur propriétaire des cotes où ces débris se sont échoués - et, de fait, en France, les bris sont aujourd'hui censé appartenir à l'État...
En fait, ce droit de bris faisait l'objet de négociations, de marchandages ou d'entorses nombreuses. Ainsi, les moines de l'Abbaye Saint Mathieu avaient-ils le droit de bris en échange de l'entretien et du fonctionnement du phare. Mais dans la plupart des cas, les populations, qui vivaient dans des conditions misérables, ne respectaient pas ce privilège seigneurial. Et, à chaque naufrage, c'était des centaines, voire des milliers d'habitants, accourant de toutes les paroisses aux alentours, qui se précipitaient...
Tous participent, sans exception, qu'ils soient paysans, artisans ou commerçants, jeunes, vieux, femmes et enfants, y compris les prêtres et les bourgeois ou notables du coin... Le but est simple : récupérer le plus de marchandises possible avant que l'autorité seigneuriale, ou l'amirauté, ne parvienne sur le site. Tout y passait : les effets personnels de l'équipage, parfois arrachés des corps des rescapés (bijoux...), les cargaisons de vêtements, les vivres, les métaux précieux évidemment, l'ameublement des cabines, et tout le bois possible et imaginable.
Au delà de ce côté anecdotique, ces naufrages étaient complètement intégrés dans l'économie locale. Il étaient en effet très loin d'être rares : sans instrument de navigation, sans phare côtiers, sans infrastructures adaptées sur les ports, la perte de navires proche des côtes était fréquente. Ainsi, entre 1700 et 1792, le trafic colonial nantais a subit pas moins de 232 naufrages, soit 3 par an, rien que pour ce secteur Bretagne sud !