Pour Loupzen j’ai fait des recherches afin d’écrire la légende de
Sara-La-Kali, la gitane, la noire
Je ne savais pas que j’allais me perdre dans un labyrinthe!
Voici ce qu’il en est ressorti:
Mystérieuse, Sara, pourquoi l'écrit-on tantôt avec un h ou sans le h? Serait-elle une gitane locale du 1er siècle de notre ère, une celto-ligure d'Europe centrale, une égyptienne, la servante des Saintes Maries ? Personne ne s'accorde, une seule chose est sûre c'est la patronne des gitans. Sara la gitane ne prend pas de h.
Voilà quelqu’un qui n’est pas facile à définir, plusieurs légendes contradictoires l’entourent! Il est bien difficile de savoir qui elle est vraiment.
Sainte? Déesse? Avatar de Kali ou Sarasvati? Voire d’Astarté-Ishtar?
Gitane, Palestinienne, Egyptienne ou Celte?
Tout commence par cette histoire:En 42 de notre ère, 10 ans après la mort et la résurrection de Jésus, Lazare, Marthe, Marie-Madeleine que l’on dit l’épouse de Jésus, accompagnés de Marie Jacobé, femme de Clopas, mère de l'apôtre Jacques le Mineur, et possible cousine de la Vierge Marie, Marie Salomé, femme de Zébédée et mère de Jean et Jacques le Majeur, et peut-être Sara la servante égyptienne échouent en Camargue, au lieu dit "Oppidum-Râ", transformé en Notre-Dame-de-Ratis (Râ devenant Ratis, ou barque); le nom passant à Notre-Dame-de-la-Mer, puis Les Saintes-Maries-de-la-Mer en 1838. Un autre disciple du Christ, Maximin, ainsi que l’aveugle Sidoine sont du voyage. Peut-être aussi Joseph d'Arimathie, le porteur du saint Graal qui s‘en fut ensuite vers l‘Angleterre.
La Gaule, en ce milieu du 1er siècle, est barbare, idolâtre et adore les dieux celtes. Cet échouage va tout changer. Trois Maries, dont le prénom est une adaptation de Myriam, qui vont changer l’histoire de France.
Sara, la Sainte?l’Eglise en a fait une sainte, mais curieusement elle n’est pas installée dans l’église avec les Maries, mais seule à l’écart dans une crypte.
Cette vierge noire n'est pas une sainte officielle de l'église catholique bien que son culte soit encouragé par l'Eglise depuis les années cinquante afin de soustraire les Gitans à l’influence des évangélistes et des pentecôtistes. Sara est révérée par les Gitans de France mais non par les communautés tziganes d'Europe centrale.
Le roi René fit deux choses à la découverte des dépouilles de Marie Jacobé, et Marie Salomé, il déposa les restes dans des chasses richement ornées et comme on ne retrouva pas trace des dépouilles de Sara, on lui creusa la crypte actuelle où les gitans la vénèrent avec ferveur le 24 mai, depuis 1935, date de sa première sortie officielle en procession la mer.
La crypte a été creusée sous le sanctuaire, l’autel est constitué en partie par un fragment de sarcophage et suppose les ossements présumés de Sainte Sara. Si les corps des deux Maries ont pu être identifiées comme deux personnes de type oriental du 1er siècle, rien n’a permis d’identifier formellement ceux de Sara.
Sara, simple statue de plâtre dans cette église sombre des Saintes-Maries-de-la-Mer ferait pale figure à coté de Marie Jacobé et Marie Salomé, statues de bois dans une barque, à l’entrée gauche de cette église, près de la porte d’entrée. Mais la chaleur ne manque pas à Sara, celle des cierges qu’une dévotion toujours croissante, celle de l’affection qu’une large communauté de gitans du Sud de la France lui voue depuis de très nombreuses années, surtout à l’occasion du pèlerinage du 24 mai où on conduit Sara à travers la ville en compagnie de toutes les autorités locales, laïques et religieuses au beau milieu des télévisions et photographes du monde entier.
Chacun vient ici déposer un cierge dans cette crypte. Et on habille régulièrement la statue d’habits neufs, il y a bien cinquante robes qui s’amoncellent sur la frêle statue qui grossit de jour en jour, et dont le fin et noir visage pâlit sous les attouchements des visiteurs.
Sara-la-Kali, Sara la noire, la brune Sara, serait pour les uns la servante de Marie Jacobé et Marie Salomé chassée de Jérusalem après la mort du Christ dans la barque sans voile ni rames qui échoua en Camargue, pour d’autres c’est une gitane provençale. Une chose est sûre, elle était de couleur noire ou sombre. La version que retiennent les gitans est celle d’une jeune femme, une « gitane », campant avec sa tribu dans ce delta du Rhône.
D'après Franz de Ville (Tziganes, Bruxelles 1956), Sara était Rom :
L'un des premiers membres de notre peuple à recevoir la première Révélation fut Sara la Kali. Elle était de naissance noble et dirigeait sa tribu sur les rives du Rhône. Elle connaissait les secrets qui lui avaient été transmis... Les Roms à cette période pratiquaient une religion polythéiste, et une fois par an ils portaient sur leurs épaules la statue d'Ishtar (Astarté) et allaient dans la mer pour y recevoir sa bénédiction. Un jour, Sara eut une vision qui l'informa que les saintes présentes à la mort de Jésus allaient venir, et qu'elle devait les aider. Sara les vit arriver sur leur embarcation. La mer était agitée, et le bateau menaçait de se renverser. Marie Salomé jeta son manteau sur les vagues et, l'utilisant comme un radeau, Sara flotta vers les saintes et les aida à atteindre la terre ferme par la prière.
On raconte qu’elle aurait été une prêtresse égyptienne d’un culte érigé en Libye et qu’elle est une figure de première importance dans un groupe de martyrs perses.
On dit aussi que Sara était une princesse celto-ligure, peuple nomade d’Europe centrale qui s’était installé dans cette région marécageuse de Camargue.
Mais les celtes n’ont pas la peau noire!On dit encore que baptisée des mains des saintes, elle devint la première chrétienne de Gaule, puis elle les conduisit au temple païen, le temple de « Ra », où affluaient les grands pèlerinages de sa race?????
Depuis quand les gitans ou les celtes adorent-ils RA? Mais bon, ma culture a des lacunes!
Une autre légende la tient pour une païenne de haute naissance, convertie à la religion d'Abraham. Tiens, la voilà juive maintenant!
Astarté/Ishtar? Equivalents d’Aphrodite/Vénus? Ca m’étonnerait! Quoiqu’on ne connaisse pas très bien ses prérogatives et attributions.
Saraswati ? Après une prière silencieuse, les Gens du Voyage laissent parfois dans l'urne à côté un petit papier plié porteur d'un vœu ou d'un remerciement. Le 20 mai, dans l'église des Saintes-Maries-de-la-Mer, une image sainte était posée sur l'autel, à côté des ex-votos.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]Que faisait là une image de la déesse Saraswati, la déesse indienne de la connaissance. Sara, Saraswati les noms sont proches mais y-a-t-il un lien?
Les gitans, ou roms, seraient venus des Indes vers l'an mille et seraient lentement arrivés en Europe. Leur présence est attestée en France dès le IXè siècle. A la suite d'une longue errance, Saraswati serait-elle devenue Sara en Camargue? Le véhicule de Saraswati est un cygne, un cygne devenu barque? Lors de la fête de Saraswati, la statue de la déesse est promenée dans les villes indiennes avant d'être immergée dans une rivière ou dans la mer, comme de nombreuses déités hindouistes. La procession des trois saintes camarguaises vers la mer est un rite qu'on retrouve dans beaucoup de cultures.
La présence d'une image de Saraswati sur l'autel de la crypte, dans l'église des Saintes-Maries-de-la-Mer, ne prouve pas qu'il y ait un lien entre Sara et la déesse indienne.
Sara est noire et la déesse est louée pour son teint clair: « O déesse Saraswati à la peau aussi claire que la lune couleur de jasmin ..."
Cette image sainte, appartenant au panthéon hindouiste, dans la crypte de Sara est une petite énigme sans réponse.
Kali? Sara la Kali, la noire, la brune, rappelle évidemment la déesse indienne Kâlî. Cette appellation concorde avec l’hypothèse la plus commune, de la provenance indienne des Roms vers les IXème siècle. Il n’est donc pas faux ni fou de voir en elle, une manifestation syncrétique et christianisée de Kali. Durga, autre nom de Kali, déesse de la création, de la maladie et de la mort, pourvue d’un visage noir est aussi immergée dans l’eau tout les ans en Inde.
Mais Kali est cruelle, pas Sara!Kali incarne la violence, la création et la destruction. Elle est terrifiante, le cou orné d'un collier de crânes, la taille ceinte de têtes coupées, les mains et la langue rouges du sang de ses ennemis, ses bras multiples brandissant un sabre ensanglanté et la tête d'un démon. A ses pieds, elle terrasse Shiva.
L'iconographie de Kali n'a rien à voir avec celle de la douce Sara, une femme miséricordieuse. « Lors du festival Rôm qui eut lieu pendant le premier Congrès international Rôm en 1971, une grande affiche fut diffusée partout. Elle montrait une procession avec Sainte Sara et une légende expliquait : « La statue de sainte Sara sera portée sur les épaules des Roms. Sainte Sara, la grande sainte protectrice des Roms, représente la forme christianisée de la déesse indienne Kali. Déesse du Destin et de la Bonne Fortune, elle a été respectée par le peuple des Roms depuis que les premiers d'entre eux quittèrent leur patrie d'origine dans le Nord de l'Inde il y a mille ans... » Pour marquer la fin dudit festival, la statue de sainte Sara eut droit à une grande procession à la fin de laquelle elle fut immergée dans une pièce d'eau voisine. Ceci fut fait très exactement de la même manière que lors des fêtes d'octobre du Durga Puja en Inde. »
Sara la Noire C’est la Déesse Mère des Tziganes, nommée aussi, Sara la Kali. C’est l’expression de la mère généreuse et féconde, Sara la Noire, la Terre-Mère. C’est la création divine manifestée sur tout les plans; végétal, minéral, animal. La Mère a reçu et dispense l’enseignement spirituel. Elle ouvre à tous les chemins menant au monde divin promis aux tziganes après le passage de la vie à la mort. La doyenne, la Mère, c’est aussi ce qui pourrait figurer d’une haute-prêtresse. Sara la Kali, cela fait référence aux origines lointaines des tziganes, qui viendraient de l’Est de l’Inde. Kali, est l’écho de ces racines indiennes.
Elle porte aussi un aspect de « Vierge Noire » un aspect sous lequel elle est aussi adorée, comme les nombreuses vierges noires qu'on trouve dans les églises romanes, comme celle du Puy en Velay, et qui n'ont aucun lien avec l'Inde.
Alors qui est Sara? Je crois que chacun doit juger selon son cœur et ses affinités.
Personnellement je pencherais pour qu’elle soit la Déesse Mère du peuple Gitan.
Il est possible de célébrer Sara la Noire dans une pratique personnelle, comme une entité complète, qui porte en elle seule tout les visages habituels de la triple déesse aux multiples noms et appellations. Sara la Kali se suffit à elle seule, en tant que Vierge Noire, Mère Terre et Déesse Patronne des Gitans. Elle est le principe divin au féminin des tziganes de tout acabit, sans exception.