Nom : Agent Dana Scully Messages : 20937 Date d'inscription : 09/05/2009 Age : 63 Localisation : entre ciel et terre
Sujet: la cité oubliée de Jinsha en Chine Mer 13 Mar 2019 - 17:11
JINSHA
Les érudits chinois de l’Antiquité écrivaient beaucoup. Ils écrivaient tellement qu’il semble qu’à partir du iiie siècle avant notre ère, aucune question historique chinoise ne soit restée sans réponse. Aucune ? Pas vraiment. Les chroniqueurs des trois premières dynasties chinoises – les dynasties Xia (2100-1600 avant notre ère), Shang (1600-1046) et Zhou (1046-771) – passaient sous silence les cultures voisines, qu’ils tenaient pour négligeables. L’étaient-elles ? Manifestement pas, puisque l’on a découvert au Sichuan la cité de Jinsha, où florissait une culture riche et complexe au début du ier millénaire avant notre ère. Les anciens Chinois pouvaient-ils vraiment ignorer son existence ?
Leur ignorance apparente est d’autant plus étonnante que les chroniqueurs chinois ont écrit sur tout ce qui a précédé l’Empire du Milieu jusqu’au xxie siècle avant notre ère. Or dès la première grande fouille chinoise en 1928, ces sources se sont révélées fiables : c’est en se fondant sur leurs écrits que l’on a découvert Yin Xu (littéralement les « ruines des Yin »), la capitale de la dynastie Shang, que l’on nomme aussi la dynastie Yin. À partir du xvie siècle avant notre ère, les rois Yin (ou Shang) ont régné depuis cette ancienne ville sur une grande partie de la plaine chinoise orientale. La frontière sud de leur royaume était la rive du cours moyen du Changjiang, aussi appelé le Yangtsé.
Cette richesse des anciens écrits a créé en Chine une situation singulière : toute recherche archéologique y commence par la lecture des textes. Les archéologues chinois posent de cette façon des hypothèses qu’ils vérifient sur le terrain. Une méthode qui a fait ses preuves, du moins en ce qui concerne le noyau historique de l’Empire du Milieu. Rien hors du noyau historique ?
Toutefois, hors de ce noyau, les choses sont plus compliquées, du moins s’agissant des époques anciennes. C’est particulièrement le cas pour la période des trois premières dynasties chinoises (2100-771 avant notre ère). Les territoires des Xia, des Shang et des Zhou étaient certainement bordés de royaumes étrangers ; mais aucune inscription ni aucun texte chinois ne les mentionnent.
Ce désintérêt traduit l’élitisme des érudits chinois : le monde civilisé s’arrêtait pour eux au Yangtsé. Au-delà, il n’existait que des espaces sauvages peuplés d’incultes barbares… Ce n’est qu’avec l’expansion de la dynastie Han (206 avant notre ère-220 de notre ère) que, pour des raisons pratiques, les chroniqueurs chinois se sont vraiment intéressés aux régions limitrophes du noyau historique chinois.
Leur manque d’intérêt pour les cultures voisines de la Chine a longtemps influencé la vision des archéologues chinois sur l’histoire de ces régions dans l’Antiquité : rien de très complexe ne pouvait y avoir existé. Cette attitude condescendante concerne en particulier la province actuellement la plus peuplée de Chine : le Sichuan (107 millions d’habitants). C’est étonnant, sachant que dans cette région un peu plus grande que la France métropolitaine, une culture importante a longtemps existé : le royaume de Shu, qui était contemporain de la dynastie Zhou.