Le pharaon et les extraterrestres
La lame d'une dague retrouvée à côté de la momie de Toutânkhamon a été fabriquée à partir du fer d'une météorite venue des confins du Système solaire. Un matériau idéal pour le fils du dieu Soleil...Vers 1338 avant notre ère, le roi Akhénaton meurt dans des circonstances mystérieuses. Après une brève régence de Smenkhkarê et de Ânkh-Khéperourê, c'est son fils, âgé de seulement 9 ans, qui lui succède : Toutânkhaton. Il sera plus connu sous le nom de Toutânkhamon, qu'il prendra après l'abandon du culte du dieu unique Aton. Le jeune pharaon monte sur le trône de la Haute et Basse-Égypte et devient alors le fils du dieu Amon, et de Rê, le dieu solaire. Il sera l'incarnation de notre étoile moins d'une dizaine d'années. Mais les rois n'étaient pas les seuls échantillons du Système solaire à être appréciés et vénérés par le peuple égyptien à cette époque. C'était aussi le cas du fer...
De fait, jusqu'au ier millénaire avant notre ère, le fer était rare dans la vallée du Nil, car les Égyptiens ne savaient pas l'extraire e du minerai le contenant (il faut le
porter à plus de 1000 °C): c’était l’âge du Bronze. Le fer était alors précieux –plus que l’or – et réservé à une élite sous la forme
d’objets ornementaux et rituels. D’où provenait le métal ? Du ciel, comme les pharaon s!
C’est ce qu’ont montré Daniela Comelli, physicienne à l’École polytechnique de Milan, et ses collègues. Ces chercheurs
ont analysé un bel objet, la dague de Toutânkhamon trouvée dans son tombeau mis au jour en 1922 par l’archéologue Howard Carter dans la
vallée des Rois, près de Louxor.
Les bandelettes qui emmaillotaient la momie de Toutânkhamon cachaient deux poignards. La lame de l’un, près de l’abdomen, était en or, celle de l’autre, près du flanc droit (indiqué par la flèche sur la photo b), en fer. Cette dernière, non oxydée, semble homogène. La poignée de l’arme est en or
fin, décoré en cloisonné, et arbore à son extrémité un pommeau de cristal de roche. Le fourreau, également en or, est orné d’un motif floral d’un côté et de plumes de l’autre, une tête de chacal ornant la pointe. Les physiciens italiens ont reçu l’autorisation d’examiner la lame de fer à l’aide d’une technique non invasive, la spectrométrie de fluorescence par rayons X, pour en analyser la composition. Résultat: le métal est constitué, outre de fer, d’environ 10% de nickel (Ni) et quelque 0,5% de cobalt (Co). De telles proportions ne se trouvent pas dans le fer d’origine terrestre, plus pauvre en nickel. En outre, le
rapport Ni/Co correspond à celui que l’on trouve dans les chondrites ferreuses, des météorites non différenciées dont le matériau s’est formé
en même temps que le Système solaire.
L’équipe italienne a cherché à en savoir plus sur la météorite et a consulté la banque de données MetBase qui recense toutes les informations disponibles sur les météorites connues. La composition de la lame correspondrait à celle de la météorite Kharga, découverte en Égypte en2000 à Marsa Matruh, une ville portuaire à 240kilomètres à l’ouest d’Alexandrie. Les orfèvres qui ont fabriqué la dague de Toutânkhamon ne disposaient cependant pas
de tous les fragments tombés du ciel. Et ils n’étaient d’ailleurs peut-être pas égyptiens.
En effet, les archives royales d’Amarna révèlent que Tushratta, souverain du Mitanni, un royaume voisin de l’Égypte (en Syrie actuelle), a envoyé à Amenhotep III (le grand-père de Toutânkhamon selon certaines généalogies) un bracelet de fer ainsi que des poignards
dotés de lames de ce même matériau. Le couteau analysé faisait-il partie de ces présents diplomatiques?
Une question plus profonde est de savoir si les Égyptiens savaient d’où venait ce fer. Or à l’époque de Toutânkhamon, on observe une évolution dans les
hiéroglyphes. À côté de celui qui signifiait «minerai, fer, métal» apparaît un autre, composite, que l’on pourrait traduire par «fer tombé du ciel» et qui est utilisé à partir de la XIXe dynastie (au début du XIIIe siècle avant notre ère) pour décrire tout type de fer. Peut-on en déduire que les Égyptiens
connaissaient l’origine céleste de ce métal?
Dans l’affirmative, ils avaient alors deux millénaires d’avance sur les Occidentaux